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Publié le 10 décembre 2005
Traductions disponibles en :

Quelle responsabilité face à ceux qui ne peuvent pas exercer leur citoyenneté ?

par Nacéra AKNAK KHAN

Thèmes généraux liés : Citoyenneté .

Nous présentons ici le compte rendu de l’entretien avec un Français, Michel Bérard, marié et père de famille. Délégué général de Voisins Citoyens en Méditerranée (« VCM »), ayant pour but l’appui à l’émergence et au renforcement des solidarités de voisinage mises en oeuvre par des personnes paupérisées pour l’amélioration de leur vie quotidienne et leur promotion culturelle, économique, politique et sociale.

Le guide d’entretien s’est appuyé sur le questionnaire rédigé par l’équipe d’animation de la Charte en Europe mais s’est aussi délibérément concentré sur l’articulation responsabilité - citoyenneté.

Michel Bérard place la notion de responsabilité humaine à deux niveaux :

- 1er niveau philosophique et politique

Il nous livre ses interrogations :
- Est-ce que chacun d’entre nous peut vraiment agir pour améliorer notre société ?
- Est-ce qu’il est possible d’améliorer une société ?
- Est-ce qu’il est important de s’engager ?

Selon Michel, après l’effondrement du système communiste, on aurait dû faire le deuil de la société idéale. En voulant la construire à tout prix, on est arrive souvent à des formes de totalitarisme. Il pense que pour y arriver, aujourd’hui et maintenant, il faut refuser de participer à des actions inacceptables. Il s’agit, selon lui, de mettre en place une stratégie radicale consistant à refuser de participer à toute action qui nuit ou qui peut nuire à sa propre vie et à celle des autres. Si l’ensemble des citoyens ne participait pas aux actions inacceptables, l’action n’aura pas lieu puisqu’un régime qui n’est pas soutenu par les citoyens s’effondre.

Il faudrait arrêter d’être dans une posture de prise de pouvoir qui n’existe pas et qui a plus d’effets pervers que d’effets positifs. C’est une manière forte pour s’engager et pour faire de la politique. C’est même un engagement plus fort et plus large que celui de s’impliquer dans un parti politique. Pour Michel, une responsabilité humaine évoque une responsabilité citoye en pratique tous les jours.

- 2ème niveau : Responsabilité civile

Michel se rend compte que les partenaires avec qui il travaille n’ont pas de moyens pour souscrire à une assurance ni pour leur bien ni pour eux-mêmes. Souscrire à une assurance est un acte citoyen qui signifie accepter le fait de vivre en société et que l’on puisse se faire mal. Dans le cadre de son association, il essaie de comprendre les raisons pour les quelles ces personnes ne veulent pas s’assurer.

Les résultats de cette enquête montrent que ces personnes n’ayant pas de moyens sont de plus en plus dans l’exclusion et de ce fait, dans une pratique de rupture sociale. Ils ont moins d’intérêt à participer à cette société et moins d’intérêt d’être solidaires car ils ne sont pas protégés.

Il faudrait un contrat social qui met en valeur un droit formel traduit dans la réalité. Dans ce cas là, les sans ressources verraient plus d’intérêt à être solidaires et à agir en tant que citoyens. Il s’agit de mettre un lien effectif entre les droits formels et les droits vécus. Le droit formel dit que nous avons, tous, droit au logement et au travail. Mais le droit vécu montre qu’il existe des personnes qui n’ont ni droit au logement, ni droit à un travail. Il est évident que ces personnes ne perçoivent plus la nature du contrat qui les lient à la société puisque leurs droits les plus fondamentaux ne sont pas respectés. Il existe pourtant une charte universelle des droits de l’homme, mais elle n’est pas traduite dans la vie de tous les jours.

Ce n’est pas la pauvreté qui exclut en tant que telle. Ceux qui sont pauvres sont contraints à être hors la loi. Prenant l’exemple de ceux qui vivent dans des mobiles homes dans des campings [1], ils ne peuvent pas avoir de domiciliation, donc pas d’adresse. Ils sont SDF (Sans Domicile fixe), ils ne peuvent pas voter et de ce fait, ils ne sont pas citoyens à part entière. Si on veut que ces personnes puissent être responsables dans la société, il faudrait que le contrat social fonctionne dans les deux sens. Ce qui sous-entend de nouvelles lois sur la domiciliation, il faudrait aussi déconnecter la protection sociale du salariat. Il faudrait adapter le contrat social à la réalité de la société post-industrielle.

Dans sa vie professionnelle, Michel exprime sa responsabilité à travers son engagement militant et il en assume les conséquences. Il travaillait initialement en tant que psycho-clinicien à la délégation interministérielle pour l’insertion des jeunes où il fallait traiter la question de l’emploi des jeunes sur son plan structurel mais pas du tout sur le plan conjoncturel ce qui est une erreur fondamentale selon Michel. Il a essayé de changer les choses de l’intérieur sur la mise en place des missions locales, il a travaillé avec Bertrand Shwartz [2] sur l’importance de ces lieux en tant qu’espaces de remise en question. Ces missions locales ont été institutionnalisées, voire instrumentalisées. Il pense qu’il a essayé d’aller jusqu’au bout pour améliorer les choses au sein de l’administration centrale, mais cela n’a pas fonctionné. Il a démissionné et s’est engagé en mettant en place VCM qui met en place aussi bien l’aspect structurel que conjoncturel en traitant les questions d’insertion.

Michel respecte et applique sa responsabilité dans sa vie quotidienne. En tant que professionnel il a travaillé dans une institution de jeunes délinquants. Mais il s’est vite rendu compte que ces jeunes ne pouvaient pas s’épanouir en étant dans un lieu qui concrétise leur rejet par leurs familles ou par la société. Au lieu de les rejeter, il faudrait les intégrer, les accueillir dans les noyaux de la société qui sont les familles. Il a décidé, a ce moment là, avec sa famille de créer « une communauté thérapeutique familiale ». Il a accueilli chez lui avec ses enfants 6 personnes en difficulté pendant 9 ans. Ils n’ont pas tous réussi à surmonter leurs problèmes mais bon nombre d’entre eux ont aujourd’hui une vie dite « normale ».

Pour Michel pratiquer sa responsabilité signifie respecter ce qu’il pense allant même jusqu’à l’illégalité. Dans la crise du Larzac, il était parmi les 2000 personnes qui ont renvoyé leurs livrets militaires (acte symbolique fort signifiant le refus de se mobiliser en cas de guerre), puis jugés et mis en prison.

S’il avait la possibilité, Michel aurait interdit la Bourse. En effet, il pense que la monnaie est un élément de pacification qui permet d’avoir un médiateur dans l’échange. C’est une invention intéressante qui est plus égalitaire et qui réduit l’effet pervers du troc. Mais il est inacceptable de faire de l’argent sur de l’argent. Ce système organisé de l’usure est une déviation totale, car la monnaie est un moyen et non une fin. Le capitalisme financier est une perversion car on ne prend en compte que l’argent.

Michel considère que ceux qui sont de-responsables sont ceux qui ont le pouvoir de changer les choses et qui ne le font pas, notamment les hommes politiques. Ils refusent de prendre en compte la mutation dans laquelle nous sommes : on produit de plus en plus avec de moins en moins de gens et dans un temps de plus en plus réduit. Nous sommes face à une société de surproduction qui fait baisser l’emploi. Ce fait n’est pas traduit dans l’acte politique car on refuse de voir cette réalité, ce qui est difficile car cela voudrait dire remettre en cause profondément le système de la répartition des richesses.

Les dirigeants et la majorité des français dénient cette réalité car elle met en cause leur propre situation économique et touche même leur identité profonde. La de-responsabilisation profonde se traduit par le fait que des élus soient conscients de cette réalité, mais ne le disent pas, ne le combattent pas, seulement par crainte de ne pas se faire réélire.

Michel pense qu’en faisant le tri de ses déchets agit à son niveau pour protéger l’environnement. En faisant une manifestation avec des milliers d’autres personnes et en signant les multiples pétitions pour dénoncer la guerre, il pense agir individuellement contre la guerre de manière générale et celle contre l’Irak en particulier.

Quant à la pertinence de la Charte des responsabilités humaines, il pense qu’il n’est pas inutile de l’avoir. Même si nous avons du mal à traduire les droits formels dans notre vie de tous les jours, il est néanmoins important de les avoir comme texte de référence. Cela permet de nommer la légitimité d’action qui parfois est illégale.

[1] propriété du Ministère du Tourisme

[2] L’auteur de « Moderniser sans exclure » et créateur des Missions Locales en France

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