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Publicado em 10 de dezembro de 2005
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Interview de la Directrice d’un Département d’Immigration dans une Région Grecque

Nous présentons ici le compte rendu d’une interview sur la notion de responsabilité, qui a eu lieu en Grèce. La personne interrogée est une femme grecque, d’environ quarante ans, mariée, sans enfant, diplômée en sciences économiques, en phase de soutenir son doctorat sur la démographie. Du point de vue professionnel, elle occupe une position de grande responsabilité : elle est Directrice du Département d’Immigration de la Région de l’Egée du Sud.

Il faut parler ici du contexte et expliquer qu’il s’agit d’une région insulaire, comprenant 79 îles, occupant la frontière sud-est de la Grèce et de l’Union Européenne, étant de ce fait une région recevant quotidiennement un grand nombre d’immigrés en provenance de la Turquie, de l’Irak etc. Le Département que cette dame dirige a la responsabilité de l’édition des permis de séjour et de travail pour les immigrés légaux, mais aussi pour la prise de décision sur l’expulsion des immigrés clandestins.

Il ne s’agissait pas d’une discussion libre, mais d’une interview orientée par le questionnaire rédigé par l’équipe de coordination de la Charte en Europe, questionnaire qui est employé par les membres de l’équipe en France, en Grèce et en Italie. Ce questionnaire propose deux textes introductifs rédigés par notre équipe, au choix, tirés de l’actualité Européenne : 1) sur la corruption dans le secteur public et dans la société dans son ensemble et 2) sur la consommation de produits alimentaires en Europe et le commerce international. En s’appuyant sur l’exemple d’un de ces textes, on pose des questions sur la notion de la responsabilité, ses conditions et ses limites et on enchaîne avec la présentation du texte de la Charte et la discussion autour d’elle.

La dame interrogée considère que la responsabilité est une forme d’obligation éthique, morale ou sociale, envers - en premier lieu - les personnes qui nous entourent (conjoint, famille,...), mais aussi envers la société dans son ensemble, envers tous les êtres vivants et la planète. Elle considère qu’elle-même, elle a, plus particulièrement une responsabilité envers l’environnement, qu’elle assume par des actes quotidiens, des gestes simples qui vont dans le sens de la protection de l’environnement. Elle sent aussi une responsabilité par rapport aux phénomènes de racisme et de xenophobie dans notre société, qu’elle assume en ne permettant pas l’apparition de ces attitudes dans les lieux de travail, puisque elle travaille justement avec des immigrés.

Par rapport à la question de la corruption (initiée par le texte introductif), elle se sent responsable, non pas parce qu’elle transgresse la loi - ce qu’elle ne fait pas - mais parce qu’elle est confrontée quotidiennement à ce problème, en ce qui concerne la corruption au niveau de l’administration publique. Elle pourrait agir par son comportement, mais aussi à travers la participation à des groupes qui identifieraient ces phénomènes, qui proposeraient des solutions et qui dénonceraient.

Elle se sent responsable pour tous les défis du monde contemporain (la guerre en Iraq, la dégradation de l’environnement, etc), mais elle se dit qu’elle ne peut pas entreprendre une action pour toutes ces questions. Elle dit qu’elle peut assumer seulement les responsabilités du niveau qu’elle définit comme « quotidien ». Elle ne peut pas assumer les responsabilités pour des questions de type planétaire parce que, vu sa position sociale, elle considère que son action serait inefficace. La question du pouvoir que chacun dispose revient souvent dans ses paroles. Les gens des médias, les représentants de grands pouvoirs économiques disposent un pouvoir plus grand qu’elle. C’est à eux alors qu’une plus grande part de responsabilité revient et ce sont eux qui peuvent agir plus efficacement pour des questions de type planétaire.

Elle considère que les conditions de vie, dans nos sociétés occidentales, sont un important facteur de de-responsabilisation. Le stress pour le travail, le rythme de vie, etc., ne nous laissent pas le temps et l’énergie nécessaire pour nous permettre d’assumer nos responsabilités, en dehors de celles que nous avons envers notre famille. Elle souligne le fait que la responsabilité on l’assume seulement quand on a la volonté, personne ne peut nous en obliger. Même envers sa propre famille, on peut se montrer complètement irresponsable.

Il y a quelques années, dans le cadre de son travail, elle sentait une trop grande responsabilité pour tout. Elle se sentait responsable de la vie des autres, comme p.ex. quand il s’agissait de prendre une décision sur l’expulsion d’un immigré sans permis de séjour, décision qui affectait la vie personnelle et familiale de l’autre. Chaque cas de ce type est, le plus souvent, un drame personnel. En compatissant avec les personnes, elle se sentait tout de même incapable d’aider autant qu’elle le voulait. Maintenant elle se dit qu’elle se sent responsable jusqu’à la limite de l’action que la loi lui permet d’entreprendre : « je ne peux pas agir en dehors de la loi pour permettre à quelqu’un de rester au pays, s’il ne réunit pas les conditions que la loi impose ». Elle tente néanmoins d’appliquer des critères sociaux, pour aider autant qu’elle le peut.

Dans la prise en compte de ses responsabilités, en dehors des limites définies par la loi, elle a défini une limite de plus, qui est celui de sa santé physique et mentale et de l’équilibre de sa famille. Elle a dit qu’elle peut agir de manière responsable, jusqu’au point où elle ne porte pas atteinte a sa santé ainsi qu’à l’équilibre de sa famille.

Nous avons discuté à propos de l’opportunité et de la nécessité éventuelle de la Charte des Responsabilités Humaines. Elle trouve que cette Charte est bien nécessaire. L’utilité primordiale de cette Charte serait, pour elle, de servir comme moyen de sensibilisation, en vue d’un changement de comportement. Elle croit fortement au changement personnel, en tant qu’agent de changement social. Si la Charte sert à sensibiliser, à éveiller des consciences, les gens vont changer de comportement, ils vont s’unir en groupes sociaux et professionnels et agir. Leur action aura alors de l’efficacité et c’est, en ce moment, que l’on peut penser à frapper à la porte de l’ONU, pour lui proposer la Charte. Elle considère qu’il serait inefficace de commencer de diffuser la Charte au niveau de l’ONU, si l’on n’a pas réussi à provoquer une prise de conscience. En ce qui concerne la diffusion de la Charte à des groupes professionnels, en vue de son adoption en tant que code éthique, elle considère que cela aussi sera inefficace si l’on n’a pas acquis la prise de conscience des gens. Elle a donné l’exemple du serment d’Hypocrate que les médecins donnent et qu’ils sont sensés respecter. Ce serment est violé en maintes occasions et ne sert pas à grand-chose. En revanche si on réussit à sensibiliser un petit groupe de professionnels, ceux-là pourront alors sensibiliser, à leur tour, un groupe plus grand et, ainsi, on aura un changement significatif.

En ce qui concerne le texte de la Charte lui-même, la dame interrogée a souligné que ce texte correspond bien à sa vision du monde. Elle ne peut pas savoir si ce texte reflète la vision du monde d’un Asiatique. Pour elle en tant qu’Occidentale et Européenne, ce texte exprime bien ce que nous vivons, p.ex. par rapport à la consommation excessive qui provoque des déséquilibres, sur le besoin de critères éthiques pour la recherche scientifique etc.

On a longuement discuté sur un principe spécifique, celui qui dit que l’exercice du pouvoir est légitime si il est fait pour le bien commun. La dame a remarqué que Bush, lui-même peut très bien prétendre qu’en Iraq il exerce le pouvoir pour le « bien commun » du peuple américain, du peuple iraquien et du monde en général. La formulation de ce principe peut donner lieu à des interprétations dangereuses. Il ne suffit pas seulement que celui qui subit ce pouvoir ait la possibilité de le contrôler. Si des représentants du peuple iraquien contrôlent le pouvoir américain dans leur pays, est-ce que cela suffirait pour nous ? Il manque aussi à ce principe le questionnement sur ce qu’est le « bien commun », comment il est défini, par rapport aussi au bien de l’autrui (p.ex. d’une autre nation). De manière générale, la dame considère qu’il faut encore bien du travail pour que la Charte arrive à une formulation adéquate de tous les principes.

Le questionnaire que nous avons produit pour l’Europe, en tant qu’outil pour guider les interviews, est en lui-même un outil de sensibilisation. Sa structure et le fait que nous proposons un texte introductif, tiré de l’actualité Européenne ainsi que la Charte, comme sujets de discussion, fait prendre conscience des enjeux auxquels on n’avait pas pensé auparavant. Cet interview a donc une triple fonction : 1) recueillir les représentations sociales autour de la notion de responsabilité, dans le contexte d’un pays donné et d’un temps spécifique, 2) sensibiliser sur la responsabilité de chacun d’entre nous et sur les possibilités d’action, 3) diffuser la Charte et l’évaluer.
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