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Publicado em 23 de novembro de 2006
Traduções disponíveis em: English (original) . Español .

La spiritualité : un pont entre le séculaire et le religieux

por Sudha REDDY

Temas largos ligados: Philosophy . Religion and spirituality .

Une approche holistique à l’harmonie sociale et la dignité

Lorsque l’on évoque la religion indienne et la spiritualité devant des Occidentaux, il faut à la fois de la prudence et de l’intelligence. Ce qui transpire généralement dans les médias et la littérature pour touristes sur la religion et la spiritualité indiennes se réduit souvent, pour le regard occidental, à un ensemble de clichés et de stéréotypes. Inutile de dire que, bien que cela fasse partie de la vitrine de la religion et la spiritualité de l’Inde, il faut essayer d’éviter de porter de mauvais jugements sur la base de ces manifestations extérieures si l’on cherche à comprendre de manière plus intime et profonde la spiritualité du peuple indien. Elle est en effet bien plus profonde, et c’est en vivant auprès des personnes ordinaires de l’Inde rurale et de leurs difficultés existentielles, avec la sagesse spirituelle traditionnelle qui les aide à se débrouiller, à partager et à résoudre ces épreuves, que nous pouvons la découvrir, la vivre et la comprendre de l’intérieur.

C’est en étant parmi les hommes et les femmes les plus défavorisés et en les aidant à entreprendre une tâche ardue pour restaurer les morceaux cassés de leur vie que j’ai découvert et compris pour moi-même l’essence de la spiritualité. Cette essence est révélée quand les vertus pérennes que toutes les religions prescrivent deviennent les instruments vitaux et psychologiques de notre vie quotidienne. Ces vertus sont la compassion, la générosité, la sérénité, la patience, la compréhension, la modération, la justice et, bien sûr, l’amour. Elles sont l’énergie de l’harmonie et de la paix dans ce monde. Et elles ont grandi en moi, fruit de mon interaction avec ces personnes qui étaient abandonnées, humiliées, marginalisées et oubliées par la société, les gouvernements et même l’establishment religieux officiel.

Il y a quelques années, lorsque je faisais des études aux Philippines, j’ai fait un rêve très curieux et pourtant significatif. Dans ce rêve j’étais assise dans un canot à rames. Au début, il faisait très sombre, si noir que je ne pouvais pas du tout y distinguer quoi que ce soit de précis. J’ai senti, progressivement, la présence d’une autre personne dans le bateau, en face de moi. Un homme peut-être. Au moment où j’ai commencé à ramer, l’homme s’est mis à disparaître peu à peu, et j’ai réalisé que je luttais toute seule au milieu de nulle part. La lutte s’intensifiait au fur et à mesure que cela devenait clair que je ramais à contre-courant. Mes efforts augmentaient à mesure qu’augmentait la force du courant. J’étais déterminée à vaincre l’obstacle, visible ou non. C’était comme si quelque chose m’avait appelée depuis l’autre rive et que je ne pouvais pas y échapper. Un appel de l’au-delà qui, depuis ce jour, me sert de guide.

Dans ce rêve, le courant contre lequel je luttais n’était pas le cours naturel de la vie, celui de la succession harmonieuse des saisons, le cours généreux des rivières vivantes et leur convergence dans l’océan. Le cours voulu par Dieu, où toutes les créatures vivantes suivent le courant dans l’harmonie.

Je parle d’un autre courant, qui au dernier siècle a pris une vitesse dramatique et irréparable. Un courant « d’origine humaine », anormal et offensif, poussé par la domination et l’avidité, le désaccord et la haine, empiétant et envahissant la moindre parcelle du premier cours original. Depuis la révolution industrielle jusqu’à la récente marée de la mondialisation économique et culturelle, ce cours « d’origine humaine » fait la loi et impose ses règles sur presque tous les aspects de la vie, principalement au profit d’une minorité de nations riches et surdéveloppées, et aux frais tragiques de millions de personnes autour du monde qui ont à peine un repas par jour. Lorsque l’on considère la situation mondiale aujourd’hui, n’est-ce pas ironique de penser que, au début de la révolution industrielle, une poignée de citoyens éclairés a consigné ce qui allait devenir la Déclaration universelle des droits de l’Homme ?

Les droits de l’Homme ont le même âge que l’obstination de l’homme à fléchir le cours naturel de la vie en procédant à une transformation industrielle de tout cadeau de la nature en denrée pour la satisfaction exclusive de l’homme. De ces deux grandes créations de l’homme, demandons-nous lequel a avancé de manière significative dans sa diffusion jusqu’au moindre coin reculé de la planète. Si l’on regarde alentour ou l’on lit les nouvelles, la réponse donne de toute évidence un avantage disproportionné au cours grondant du progrès industriel et technologique au dépens de l’élévation morale et spirituelle de l’humanité.

Basés sur le mantra révolutionnaire liberté, fraternité, égalité que des millions de personnes exprimaient, les droits de l’Homme ont-ils réellement introduit un sens de sagesse et de justice dans l’esprit de l’espèce humaine, qui en si peu de temps a changé la face de la Terre et mis en danger la fondation même de la vie ? Il y a environ cinq mille ans, sur le mont Sinaï, Moïse a recueilli la révélation des Dix Commandements de Dieu. Un d’entre eux disait, tu ne voleras pas. Pendant plus de cinq cents ans l’homme a grossièrement pillé presque tout ce qui était disponible dans le cours naturel infini de richesses élémentaires. Depuis le début du 19e siècle, 250 000 espèces botaniques et animales ont disparu à jamais de notre planète. Malgré le commandement de Dieu à Moïse, « tu ne tuera pas », les lois créées par l’homme sont-elles suffisamment larges et éclairées pour le rendre responsable de ces innombrables crimes irresponsables contre le cours original de la vie ?

Les règlements, les constitutions, les amendements et les chartes tendent à structurer, organiser et harmoniser les relations entre les humains du mieux qu’ils peuvent, mais un nombre disproportionné d’hommes et de femmes continue désespérément à lutter contre les cours imprévisibles fabriqués par l’homme. Et quid des autres formes de vie, non humaines ? Quid du droit à l’existence de tant d’espèces innocentes ? À défaut d’une transformation radicale de la conscience collective de la civilisation moderne, les lois de l’homme seront toujours biaisées. Cette transformation ne peut provenir que d’un élargissement de la vision de l’humanité à l’interdépendance des hommes et des femmes, mais aussi de tous les êtres vivants qui partagent l’environnement diversifié de notre Terre Mère.

Tournons-nous maintenant vers une perspective religieuse des droits de l’Homme.

En plus d’établir des codes moraux, on peut objectivement accuser beaucoup de religions – presque toutes – d’injustices sociales, de discriminations ou même de génocides. Ces contradictions inacceptables des religions ne sont pas limitées aux guerres opposant deux religions rivales, elles ont lieu également, et quelquefois de manière impitoyable, au sein même d’une seule religion. Dans tout système religieux codifié, par exemple, les injonctions et les dogmes sont souvent nuisibles à la liberté spirituelle et à la justice psychologique et sociale des femmes et des secteurs défavorisées de la société, comme chez les tribaux et les Dalits dans le contexte indien. En outre, quand les dogmes se mettent à considérer la croissance de l’élite religieuse sur la base des notions arbitraires de pureté et supériorité, l’origine spirituelle tend à se perdre et les vertus initiales de l’essentiel tombent dans oubli. Les persécutions, la marginalisation et l’intouchabilité sont le résultat tragique de ces failles théologiques.

En Inde, le système des castes et la pratique de l’intouchabilité sont les produits de déviations élitistes de la source primitive de la vraie spiritualité. La compassion, la véracité, la générosité, la justice, la sérénité, la patience et l’amour universel sont souvent abandonnés au fur et à mesure que la religion se systématise. Bien que ces vertus spirituelles soient les injonctions « moralement correctes » de la plupart des religions, c’est toujours au plus bas de la vie, où les hommes et les femmes luttent contre la dureté et les injustices de l’existence, que leur sens actif et transformatif sera mis à l’épreuve.

Dans une certaine mesure, on peut imaginer les droits de l’Homme comme des dogmes séculiers d’une religion sociale appelée la démocratie. Dans bien des cas, ils paraissent inapplicables dans des contextes traditionnels où un système dogmatique fort, qui divise, gouverne les différentes couches de la société. Les mentalités dogmatiques restent un obstacle lorsqu’il s’agit d’introduire des valeurs laïques conçues pour transformer et libérer ceux que de telles mentalités oppriment traditionnellement. Les femmes, par exemple, et la majorité des Dalit et des populations tribales de l’Inde, ont des difficultés extrêmes à exprimer leurs droits dans un système social traditionnel où ils doivent encore affronter l’injustice et l’oppression. Dans un certain sens, les droits de l’Homme sont les dignes réalisations de législateurs à l’esprit démocratique, mais encore faut-il que ces activistes intrépides qui luttent pour la Vérité, l’Égalité et la Justice les mettent en œuvre de façon habile et presque héroïque au niveau des populations de base où les mentalités répressives et discriminatoires sont encore la règle.

Lorsque l’on essaie de comprendre la spiritualité indienne, une des fausses idées est de la limiter exclusivement aux influences qui viennent de l’hindouisme et des Vedas. De fait, il y a une énorme tradition spirituelle primitive qui a traversé les personnes et le pays pendant de nombreux millénaires, à laquelle toutes les religions qui existent aujourd’hui en Inde, y compris les traditions folkloriques du pays, ont énormément contribué. Pendant plusieurs siècles, des mystiques, des saints et des poètes de différentes religions –l’hindouisme, le jainisme, le sikhisme, le soufisme et le christianisme – ont partagé leur intérêt, non seulement de l’expérience spirituelle, mais aussi de la justice, la dignité et la responsabilité à l’égard de tous les êtres vivants. Beaucoup d’entre eux se montraient rebelles contre l’establishment conservateur et un grand nombre d’entre eux étaient de grands réformateurs sociaux. Les noms de certains d’entre eux vivent encore dans les mémoires des communautés locales, et pour les personnes ordinaires qui répètent leur nom, ils représentent encore une source d’espoir et de consolation.

Le Bouddha a été un des plus grands rebelles spirituels d’Inde. Sa quête spirituelle a commencé quand il s’est trouvé pour la première fois exposé à la souffrance humaine et l’injustice. Il a compris que la religion de son temps avait quitté son cours pacifique et harmonieux. L’ordre naturel était corrompu et la roue qu’il symbolisait s’était arrêtée. Le Bouddha a fait tourner la roue à nouveau. La Roue du Dharma.

Le mot magique religieux et spirituel de l’Inde est « Dharma ». Le Dharma est universellement accepté par les Indiens, indépendamment de leur milieu économique, social ou religieux, comme la chaîne et la trame mêmes du monde matériel et spirituel. Littéralement « Dharma » veut dire, « ce qui relie le tout .” Mais il est important d’ajouter « dans la paix et l’harmonie ». Malheureusement, même ce beau concept du Dharma a été déformé au cours de l’histoire au bénéfice du contrôle religieux sur les masses par une élite théocratique. À certaines périodes, en Inde, les autorités religieuses patriarcales se sont vraiment emparées du Dharma et l’ont considérablement altéré. La vision holistique initiale du Dharma a été fragmentée selon des catégories de devoirs attribués aux différentes communautés. Dans ce processus de rétrécissement du Dharma, les femmes ont été considérées comme créatures inférieures, dans beaucoup de cas réduites à la condition d’objet, perdant progressivement leur dignité en tant que sujet.

Étant donné que les théologiens sacerdotaux de l’hindouisme ont pu manipuler ce concept de présage, le Dharma, et ayant été moi-même directement exposée aux calamités que les pauvres et les marginalisés affrontent quotidiennement, que signifie donc, pour moi, la spiritualité ?

L’esprit n’est pas un mot abstrait. C’est une énergie toute pénétrante qui porte et propage l’enthousiasme à être vivant et la joie intense à le partager avec les autres êtres vivants. J’ai été bénie d’avoir pu témoigner de la présence de l’esprit et de son action transformatrice dans les situations les plus désespérées que l’humanité peut affronter. Et cela ne se limite pas aux êtres humains. L’esprit agit partout dans la nature, où elle prend souvent la forme du rajeunissement ; souvent, quand les énergies combinées de la nature sont amenées à déborder du vase et à éclater soudainement en désastre dévastateur annihilant en si peu de temps beaucoup de formes de vie, après, une force contraire miraculeuse recrée la vie à partir des restes de la destruction, avec tant de nouvelle vigueur, tant de volonté décisive, comme le Phénix qui ressuscite à partir de ses propres cendres. Dans la nature comme chez les humains, très souvent j’ai vu agir ce pouvoir de renouvellement. Dans mon propre voyage intérieur ainsi que dans mon action sociale, j’ai toujours essayé de cultiver cette conscience de la présence d’une force spirituelle que l’on peut puiser toutes les fois que la vie l’exige. Par conséquent, pour moi la spiritualité commence par le fait d’être responsable à l’égard de cette force spirituelle projetée dans plusieurs formes de vie, dans un esprit de lutte et de célébration. Plus nous devenons conscients que cette force spirituelle existe en nous et tout autour de nous, plus nous devenons spontanément capables de la recevoir et la partager. C’est là que la transformation a lieu. La transformation à l’intérieur, la transformation à l’extérieur.

Concernant le Dharma, pour moi la vérité, la justice et la responsabilité en sont des aspects majeurs. Une personne qui prétend porter le Dharma doit être une personne honnête, juste et responsable, ce qui signifie qu’elle doit pouvoir répondre complètement par ses pensées et ses actes aux exigences naturelles de la vie.

Le Dharma est par conséquent la version la plus ancienne d’une compréhension holistique de la vie. Les notions d’interdépendance et de reliance sont inséparables du Dharma. Le principe de l’unité dans la multiplicité en est dérivé. L’image symbolique souvent donnée du Dharma est la roue. La roue elle-même, à cause de sa forme parfaite, est un symbole dynamique de l’harmonie. Dans la roue, tous les rayons sont interdépendants, et ils relient le pneu au moyeu par leur distribution régulière. C’est parce qu’il n’y a aucune inégalité entre toutes les parties de la roue que la roue peut rouler librement et sans heurts.

Le Bouddha, Mahavira, Basava, Kabir, Swami Vivekananda, Gourou Narayana et Gandhi sont quelques-uns des illustres individus responsables qui ont fait leurs époques en réaffirmant les valeurs spirituelles perpétuelles à des moments confus de l’histoire. Pourtant, de nombreuses personnes dont le nom ne paraîtra jamais dans un livre d’histoire sont à titre personnel les humbles défenseurs du Dharma, et il est tout à fait étonnant que l’on puisse les trouver parmi les hommes et les femmes les plus défavorisés et illettrés, qui restent de précieux exemples d’une sagesse sans âge qui ruisselle à travers les réalités les plus fondamentales de la vie.

Pour résumer, quatre principes interactifs gouvernent l’ordre original de l’univers : L’interdépendance, la reliance, l’inter-existence et l’inter-être. Ces quatre principes s’appliquent à des proportions différentes aux différents domaines de la manifestation tels que le biologique, le social, le psychologique, le moral, le religieux et le spirituel.

On peut voir les principes d’interdépendance et de reliance partout, depuis la texture fondamentale même de la vie jusqu’à l’interaction sociale des hommes et des femmes. Les notions d’inter-existence et d’inter-être sont plus en rapport avec des considérations morales et religieuses pour la première et avec l’ouverture spirituelle et la transformation pour la seconde. L’inter-existence implique une approche dialectique où les ressemblances et les différences interagissent au même titre. L’inter-existence devient significative et agit dès que les êtres humains commencent à prendre complètement conscience du fait que ce qu’ils partagent en commun et aussi les différences qui font partie de leurs identités respectives participent vitalement et psychologiquement à leur transformation personnelle.

L’inter-être est la réalisation spirituelle de tout ce processus. Le progrès spirituel et la transformation qui en résulte finissent par toucher le centre de la personne, le cœur de tous ceux impliqués activement dans un processus de croissance mutuelle. L’inter-être se manifeste lorsque l’on perçoit, profondément, que le partage a laissé une impression dans l’âme. La solidarité sociale extérieure et les efforts combinés pour résoudre et dépasser la dureté et les obstacles de la vie nous ont menés à l’expérience qu’à l’intérieur, dans notre existence intime, nous sommes un.

Cette conscience et les observations correspondantes au cours de mes interactions avec les hommes et femmes, leurs tragédies respectives et les conditions de leur environnement m’ont portée progressivement à une vision et son application qui a culminé en la création de l’ashram Fireflies.

L’ashram Fireflies et la spiritualité holistique

Fireflies est un ashram éco-spirituel qui propose un espace expérimental psychologique, social, moral et spirituel aux personnes à la recherche de valeurs indépendantes des castes, des classes ou du sexe. Fireflies croit que l’être humain n’est pas, comme l’individualisme moderne voudrait nous le faire croire, un être isolé, mais fait partie d’un tissu de vie fait de reliances entre les humains, les plantes, les animaux et toute la biosphère. Quand nous croyons que nous sommes reliés aux autres êtres vivants et la terre entière, nous grandissons naturellement dans l’empathie avec les autres et la nature dans son ensemble. Fireflies est, par conséquent, un effort autant social que spirituel pour réconcilier les aspirations humaines à l’harmonie et l’égalité avec la spiritualité intrinsèque de la nature en tant que telle, en les rassemblant de manière dynamique, valorisant ainsi l’essence sacrée des deux.

Les débats et réflexions tournent autour de la transformation personnelle combinée avec la participation sociale. Jeunes urbains, cadres, auteurs, artistes, professeurs et activistes se rassemblent à Fireflies pour réfléchir à la reliance entre le monde extérieur et le monde intérieur. Jeunes ruraux, agriculteurs marginaux et femmes se rencontrent à Fireflies pour se motiver à négocier leurs défis quotidiens et reconstruire leurs vies et les systèmes écologiques. L’écologie et les questions connexes sont traitées en tant que discipline spirituelle de transformation intérieure. À certaines périodes de l’année, nous organisons des ateliers internationaux auxquels participent savants, journalistes et activistes de différents pays autour du monde. Les thèmes de ces ateliers sont généralement axés sur la résolution de conflits dans les domaines interreligieux, des religions, de l’écologie et de la spiritualité, de conservation de l’eau, de l’agriculture biologique, de la responsabilisation des femmes dans les communautés pauvres etc. Fireflies est aussi une plate-forme ouverte naturelle où tous les humains peuvent trouver inspiration et responsabilisation dans toute leur diversité culturelle et spirituelle. Le campus de l’ashram est aussi un espace idéal pour la créativité artistique personnelle, et récemment une sculptrice britannique, avec l’aide de sculpteurs du pays, y a contribué des sculptures symboliques en granite très impressionnantes, inspirées des mythes féminins traditionnels.

Les causes principales des conflits interreligieux et du développement non durable (qui inclut bien évidemment la dégradation de l’environnement) sont notre incapacité à donner la bonne interprétation ou l’interprétation appropriée à nos croyances les plus profondes, qu’elles soient religieuses ou laïques. En Inde, la plupart de ces croyances sont intégrées dans la religion et par conséquent il est nécessaire de réinterpréter en permanence la religion et la culture pour donner un sens à la vie des gens. Ce n’est qu’après que les notions telles que la démocratie, la participation, le pluralisme, la compassion et la responsabilité humaine peuvent prendre vie dans le quotidien.

C’est dans ce contexte que pour nous prend une importance capitale le besoin de célébrer les festivals avec des personnes de toutes confessions, de tout contexte socio-économique et de tout niveau d’instruction. J’aimerais maintenant partager avec vous des aperçus de quelques réinterprétations de festivals.

Il y a un festival important en Inde qui célèbre le dieu à la tête d’éléphant, Ganesha. On prépare des effigies en argile de ce dieu avant le festival, qui se déroule sur plusieurs jours. Pour conclure ce festival, la coutume est d’immerger les effigies en argile du dieu dans des étangs, des lacs ou des rivières. Ganesha est aussi appelé Vigneshvara, « celui qui supprime les obstacles ». Un autre aspect important dans le symbolisme de Ganesha est la résolution des contradictions : l’éléphant est le plus grand de tous les animaux et pourtant Ganesha, pour se déplacer, monte sur un rat sans l’écraser. Ici, malgré sa dimension énorme et sa puissance, Ganesha peut aussi se montrer léger et délicat pour son minuscule et vulnérable compagnon. Cette complémentarité contient un sens supplémentaire : Ganesha a un gros ventre, qui symbolise la prospérité et une joyeuse appréciation de la vie ; quant au rat, il représente la tendance à faire des provision de nourriture, autrement dit la prévoyance économique.

Les centaines de personnes présentes au festival débattent du sens du festival. On soulève plusieurs questions.
- Si Ganesha est le dieu de la connaissance, quelle est la perception partagée de la connaissance ? Quelle est notre vision de la société ? Comment voyons-nous la tolérance et le pluralisme religieux ?
- Si Ganesha est celui qui supprime les obstacles, quels sont les obstacles sociaux, politiques et religieux qui nous divisent et empêchent un développement qui fasse sens, et que pouvons-nous y faire ?
- Si Ganesha participe à la fois du monde naturel (sa tête d’éléphant) et du monde humain (sa moitié inférieure) ne symbolise-t-il pas le lien spirituel entre la Nature et les Humains ? Alors, quelle est notre coresponsabilité à l’égard de l’humanité et de l’environnement ?

La réinterprétation holistique du concept de Ganesha devient ainsi un processus de démocratie populaire. Les participants se sont rendu compte qu’ils devaient respecter tous les êtres humains indépendamment de leur origine religieuse. Ils ont pu vérifier que le développement ne pourrait avoir lieu que dans le contexte d’une société civile vibrante, où l’on respecte les institutions démocratiques locales et les efforts de développement. On a aussi senti que la protection de l’environnement peut être une façon spontanée et simple d’honorer Ganesha. Les participants ont également décidé de ne pas utiliser de statues de Ganesha qui seraient peintes. Ils se sont rendus compte que quand les statues peintes étaient immergées à la fin du festival (une tradition sacro-sainte), les eaux étaient polluées par le plomb et les autres produits chimiques contenus dans les peintures.

Un autre festival important en Inde est Navaratri, neuf nuits consacrées à la Déesse Mère. J’ai découvert qu’il est très lié à la responsabilisation des femmes des points de vue psychologique, social et spirituel. Les neuf nuits et dix jours constituent la durée totale du festival. Pendant ces dix jours l’on honore dix aspects archétypaux du féminin. On les appelle les « Dix connaissances suprêmes », mahavidyas. Parmi eux, les formes contemplative et active, compatissante et rebelle, tendre et héroïque de la personnalité féminine. Dans tous ces aspects il est montré que le statut de la femme est égal à celui de l’homme, qu’elle a un pouvoir spirituel exclusif et une dignité capable de répondre le plus admirablement aux difficiles défis de la vie. La réinterprétation de cet important festival Navaratri dans un contexte des droits des femmes contient aujourd’hui des leçons porteuses que des femmes de diverses origines sociales peuvent comprendre et s’approprier mutuellement.

En plus de ces festivals communs importants il y a des festivals mineurs, populaires et locaux, qui ont une profonde signification symbolique pour les habitants locaux, mais qui contiennent des significations précieuses même pour des chercheurs universitaires. Permettez-moi d’expliquer un de ces festivals populaires.

Le festival Maleraya (dieu de la pluie) est conçu autant pour invoquer que pour honorer le dieu de la pluie. Il est célébré juste avant la mousson quand la terre est desséchée et les lacs sont séchés. Dans les villages, les personnes implorent à la pluie de venir bénir la terre dans son intégralité. Avec la terre du fond du lac, les villageois sculptent l’image du dieu de la pluie, qu’il portent ensuite de maison en maison en procession et en chantant des chansons populaires sacrées. Les résidents de chaque maison où la procession s’arrête honorent le dieu en versant des quantités abondantes d’eau et en en trempant les porteurs, qui sont ravis. Ce festival produit beaucoup de joie chez les gens. Pour nous, ce festival était un sujet idéal pour une réinterprétation selon un axe éco-spirituel. Au moment de la célébration, des milliers de personnes se sont rassemblées au le milieu du lac séché. Nous avons suggéré que les invocations adressées au dieu de la pluie ne devrait pas être que dans un sens : chaque adepte devrait rendre la pareille en assumant la responsabilité du soin de conservation de l’eau et du reboisement. Tous les participants ont fait le serment de planter au moins deux plants près de leur maison. Certains étaient tellement enthousiastes qu’ils ont formé spontanément un comité pour protéger les lacs.

La réinterprétation holistique des festivals culturels et religieux n’est qu’une première étape dans l’exploration de nouveaux moyens pour un dialogue interreligieux. Cette approche pourrait s’étendre à d’autres domaines où des groupes humains rencontrent des situations conflictuelles, telles que des questions d’identité culturelle, de justice ou de dignité. Il faut changer les paradigmes à plusieurs niveaux de compréhension humaine, reconsidérer presque tous les paramètres de l’interaction de l’humanité avec son environnement planétaire d’après une analyse holistique approfondie.

Identité culturelle, justice et dignité

Portons maintenant notre attention sur les défis émergeants en Inde créés par des politiques favorisant la mondialisation et la libéralisation. Le réformes du marché en Inde, basées sur une philosophie de la mondialisation, ont pris différentes formes et nuances. Nombreux sont ceux qui chantent l’éloge de la divinité du marché. Dans le monde magique où l’économie de marché a ouvert des occasions sans limites pour une croissance débridée, la vie est devenue plus facile pour des millions d’êtres humains. Pourquoi cette aube n’est-elle pas encore arrivée pour les autres millions, appauvris et marginalisés ?

Parmi les réponses à cette question, il y a le fait que depuis quelque temps, les politiques du gouvernement viennent casser les moyens d’existence des communautés rurales et les pousser vers les villes simplement pour survivre, dans un nouvel environnement défavorable pour leur identité culturelle. En outre, des disparités injustes, à tous les niveaux, mènent à plusieurs formes de conflits et de violence.

Au nom du développement urbain et de l’enjolivement de plusieurs villes en Inde, beaucoup d’habitants des quartiers pauvres, qui fournissent la main-d’œuvre dont dépend le développement même, sont expulsés en dehors des limites des villes, ce qui affecte leur stabilité économique, sociale et affective. Il n’y a pas de politicien, ni de fonctionnaire ou de responsables politique qui s’inquiète réellement de la réhabilitation et l’importance d’un environnement sûr où les communautés déplacées puissent reconstruire leurs vies.

Ici, j’aimerais partager mon expérience de travail avec les victimes des émeutes communautaires et de l’enjolivement de la ville, déplacées à Ullalu Upanagara, à la périphérie de la ville de Bangalore. Nous avons créé une ONG, Grama Swaraj Samithi, GSS (Conseil d’auto-gouvernance de village) basé sur la philosophie gandhienne, pour se pencher concrètement sur les problèmes de ces communautés qui habitent des zones urbaines et rurales.

Affectée par une des plus graves émeutes communautaires en 1994 à Bangalore, une section d’habitants d’un grand quartier populaire, principalement musulman, s’est déplacée à un terrain vague de l’autre côté de Bangalore et y a essayé de reconstruire maisons et vies. Deux ans plus tard, un samedi soir on a encore une fois mis ces personnes sommairement dans des camions et emmenées de force à encore un autre bout de terre stérile à 30 kilomètres de Bangalore, et on les y a déchargées, avec juste le ciel pour toit et aucun aménagement publique. Le but de cette éviction, comme à d’autres nombreuses occasions à l’époque, était d’embellir Bangalore.

L’endroit où 550 familles pauvres se sont trouvées était Ullalu, là où déjà plus de 1 000 familles avaient vécu avec de maigres installations, mais de l’autre côté de la route qui traversait cette zone stérile et où on a déposé les déplacés. La population déplacée - des Hindous, des Musulmans, des Chrétiens et des Dalits - ainsi ségréguée, devait se débrouiller toute seule sur tous les fronts : aller chercher et porter de l’eau, trouver des endroits pour des latrines, construire des huttes et trouver du travail.

Au départ, la peur, l’insécurité et la rumeur constante de violence rendait difficile la mise en relation des habitants avec leur nouvel environnement. L’année écoulée, 500 familles Dalit les ont rejoints, victimes, elles aussi d’expulsions dans le cadre du plan d’enjolivement de la ville. Enfin, le déplacement et l’absence de rétablissement des moyens d’existence ont brisé plus de 2 500 familles, les accablant de chômage, de travail des enfants, de problèmes de santé chroniques…

Les femmes dans l’Ullalu ont été des victimes perpétuelles de l’exploitation. Les familles brisées ont exposé les femmes et les jeunes filles aux abus sexuels. L’absence d’aménagement de base a poussé les hommes vers la ville pour chercher à gagner leur vie, ce qui a augmenté le nombre de mères seules. Négligeant leur propre santé pour nourrir leurs familles, ces femmes sont devenues vulnérables à beaucoup de maladies. Le maris « du week-end » ou « de fin de mois », au lieu de rapporter à la maison de l’argent et de la nourriture, ont rapporté des maladies sexuellement transmissibles.

La survie au quotidien avait contraint ces personnes à ne s’occuper que de leurs poursuites individuelles, sans aucune considération pour leur environnement. Mais quand leur conscience plus profonde était stimulée par notre intervention pleine de sens, s’éveillaient en elles les vibrations et les réponses de leur force positive latente. Leurs cœurs sont encore pleins d’amour et de compassion alors que leurs corps sont épuisés.

Le travail à Ullalu Upanagara a commencé en engageant chaque membre d’un foyer qui était psychologiquement en prise avec les sentiments, l’inquiétude et l’impuissance, dans un processus continu de dialogue, afin que le changement survienne spontanément de l’intérieur. Bien que ces personnes soient venues de milieux différents, quelque chose en elles répondait à notre approche holistique aux défis, sans se soucier de leurs diversités, car ils reconnaissaient que leur vrai ennemi était bien leur pauvreté et leur impuissance, et non leurs différentes religions. Toutes les fois où cela était pertinent, nous n’avons jamais manqué de citer les dimensions progressistes trouvées dans toutes les religions, qui font simplement appel au bon sens.

Pour mettre en valeur ce concept holistique qui est de soutenir la dignité et les moyens pratiques d’assurer les droits et les responsabilités de tous, voici quelques exemples d’actions participatives des uns et des autres dans un contexte d’auto-responsabilisation.

Un fil conducteur commun à tous les programmes est la responsabilisation de femmes. Notre conviction est qu’il faut affirmer les droits des femmes en vue de réaliser une relation positive avec les hommes, plutôt que d’encourager un féminisme combatif qui ne peut pas les soutenir dans leur contexte social particulier. Les femmes ont déjà pris de la confiance pour s’attaquer aux questions telles que la violence domestique et l’alcoolisme. Elles se sentent encouragées à s’exprimer et à dialoguer non seulement avec leurs hommes mais aussi avec la communauté et les institutions. Quelque 400 femmes de religions, de castes et de langues différentes se sont organisées en groupes d’auto-assistance pour prendre à leur compte des préoccupations économiques, sociales, environnementales et politiques.

Ces groupes de femmes ne se limitent pas qu’à trouver des solutions économiques et sociales, elles produisent aussi dans leur développement intérieur une intelligence collective et une capacité à trouver des réponses pratiques immédiates aux questions imprévues.

La plupart des bâtiments du village de refuge étaient des huttes en boue très rudimentaires. Cependant, les femmes ressentaient le besoin d’un logement correct. Cela était intimement lié à une reconstruction collective du sens de la dignité. Ici était en jeu également le processus de responsabilisation que nous avons entrepris comme question de base liée à tous les aspects. Renforcées par ce processus, les femmes ont pu trouver les moyens de construire des maisons à leur goût. Cet accomplissement matériel n’était que secondaire comparé à la joie et la fierté de pouvoir célébrer leurs nouveaux foyers en récitant le Coran et en allumant une lampe à huile.

La dignité est toujours la force derrière la nécessité d’apporter des installations sanitaires correctes dont elles avaient été dramatiquement privées jusque là. Le résultat a été la réalisation réussie d’installation pour la communauté de systèmes sanitaires polyvalents uniques. Pour renforcer le sens d’appropriation, d’autosuffisance, de dignité du travail, ces installations sanitaires sont entretenues et gérés par les femmes, quelle que soit leur religion ou leur caste. Par le biais d’un mécanisme autosuffisant et interdépendant dans la communauté, le matériel nécessaire à l’entretien est fourni par d’autres groupes de femmes.

Pour comprendre le besoin d’une approche holistique tout en s’attaquant à une question multidimensionnelle tel que le VIH/sida, qui est par définition d’une nature très personnelle, nous devons aborder chaque cas individuel à la lumière des vertus spirituelles telles que la compassion, la générosité, l’ouverture… Les femmes et hommes locaux que nous avons formés ont adopté des méthodes différentes d’éducation selon les communautés, basées sur une discussion ouverte et concentrée sur l’élimination du stigmate et de la discrimination que doivent affronter les personnes séropositives. Les efforts de cette initiative sont de faire comprendre aux familles et aux communautés que l’ultime responsabilité leur revient.

Les personnes séropositives sont associées aux réseaux de personnes séropositives pour renforcer leur confiance ; en s’alliant à ces réseaux elles prennent conscience de la solidarité humaine et retrouvent leur auto-estime et la dignité nécessaire pour affirmer leurs droits.

Le rôle des religieux est vital pour pouvoir discuter sans préjugés avec des gens ordinaires du VIH/sida, de la violence contre les femmes, des mariages d’enfants et des avortements sélectifs selon le sexe du bébé. À Ullalu, le Mollah local et le prêtre ont participé activement à la sensibilisation des personnes.

Les luttes collectives de ces personnes les a menées à obtenir la plupart des aménagements de base et leur rêve a été réalisé quand elles ont enfin obtenu les titres de propriété de leurs maisons. Un des résultats politiques du processus de responsabilisation des femmes a été l’élection de deux femmes - une Musulmane et une Dalit - à l’autogouvernement local.

Aujourd’hui, les presque 20 000 oubliés de l’Ullalu ont retrouvé leur identité et la reconnaissance grâce à leurs propres luttes, leur courage et avant tout à la compassion mutuelle qu’elles partagent dans leur quête d’harmonie sociale. La lutte pour la dignité est un processus permanent. Cette lutte, à peine connue ou ridiculisée, voire annihilée, continuera, que ce soit à Ullalu ou n’importe où, tant qu’il y a exclusion et marginalisation, et toute forme d’inégalité et d’injustice.

Le professeur Borough, Prix Nobel, a déclaré : « les plantes parlent mais elles ne parlent qu’en chuchotant, et à moins de s’y rapprocher, on ne peut pas les entendre. » Il en va de même pour l’agriculteur avec sa charrue cassée, la mère rurale qui fait un trajet long et pénible pour rassembler quelques brindilles afin de pouvoir cuire la nourriture pour sa famille ou une autre mère qui trie dans les ordures pour trouver une bouchée de nourriture pour ses enfants. Si nous nous en rapprochons, nous pouvons entendre leur chuchotement.

Bien que pour moi il ne s’agisse que d’un humble effort, cela a été aussi une occasion extraordinaire de mettre en pratique une méthode dialectique où la spiritualité et les considérations sociales contribuent à transformer harmonieusement la vie des personnes. Cette expérience humaine et spirituelle a également renforcé en moi, comme en la plupart des personnes d’Ullalu, l’importance de la dignité, la responsabilité individuelle et avant tout, la force positive qui découle de la ferme prise en charge de ses responsabilités à l’égard de la communauté humaine, de l’environnement, de la vie en général. Une réinterprétation holistique active du sens de la responsabilité y est aussi un facteur agissant.

En vous exposant ces quelques exemples de la complexité de ces questions que je cherche à résoudre, ce qui devient plus clair est que les droits de l’Homme, malgré leur contribution efficace dans les domaines administratifs et politiques de la loi et de la justice, ont néanmoins leurs propres limitations dans des domaines qui sont encore contrôlés par des mentalités excluantes des religions et des cultures archaïques, surtout dans le domaine de l’oppression de femmes, des Dalits et des autochtones. Cela porte à appeler à une redéfinition holistique des paramètres qui régissent les interactions des hommes et des femmes, des êtres humains avec la société à laquelle ils aspirent, de l’humanité dans son ensemble avec chaque aspect de la vie. L’acceptation consciente et dévouée du sens de la responsabilité, dans un sens tant moral que spirituel, a un rôle significatif à jouer dans l’élargissement de la portée des droits de l’Homme.

Que nous le voulions ou pas, que nous le comprenions ou pas, que nous l’acceptions ou pas, chacun de nous est responsable de la plupart des maux qui sévissent dans le monde. Si nous considérons sérieusement notre conditionnement, nos modèles inconscients de comportement, nos préjugés, nous découvrirons que la plupart du temps nous sommes déconnectés des lois interdépendantes qui gouvernent l’harmonie de la planète. Nous adhérons très facilement à des systèmes confortables du progrès, et ne voyons pas que souvent, l’exercice de ce progrès va à l’encontre de le flux harmonieux originale de la vie, tandis que d’innombrables personnes, avec leur souffle et leur transpiration, luttent encore contre les courants d’origine humaine pour assurer leur propre survie et pour préserver ce qui leur est cher : leur intimité avec la spiritualité de la Terre Mère.

Il en va de notre responsabilité de prendre soin de toutes ces « petites choses » qui font que Dieu est si grand, si infini. Tous ces « petits riens » merveilleusement reliés, que nous avons poussés irrévérencieusement dans les oubliettes de notre monde spécialisé. Paradoxalement, notre vision unique d’un monde uniforme a créé un monde très étroit où la spiritualité semble être de plus en plus une denrée très chère réservée aux élites aisées. Un message de solidarité responsable et de compassion responsable est la nécessité du moment si ce que nous espérons que la paix, l’harmonie et la justice prédominent dans toutes les affaires humaines. Il faudrait que cela devienne la texture vitale qui soutient la Déclaration des droits de l’Homme

Beaucoup de personnes qui affrontent quotidiennement les aspects les plus mauvais de l’inégalité et l’injustice pensent que si la notion des responsabilités humaines n’est pas prise sérieusement en compte autant aux plus hauts niveaux des conférences internationales qu’à ceux où il faut trouver des solutions pratiques et pertinentes aux questions urgentes, il y a peu d’espoir d’engager un processus de transformation. C’est pour cette raison que des personnes de vision commune dans plusieurs endroits du monde envisagent un complément subjectif à la partie objective des la Déclaration des droits de l’Homme : une Chartes des responsabilités humaines, une initiative de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH). Notre responsabilité spirituelle commence dès que nous regardons ceux qui sont dans de terribles difficultés comme des sujets au lieu d’objets anonymes. Cette attitude inclut la nature dans son ensemble : les animaux, les plantes, et tout l’environnement. Tous sont des sujets en Dieu. Un mot sage de nos anciens écrits saints dit : « Tout dans ce monde est enveloppé par Dieu. »

Quand on en devient complètement conscient, on ne peut pas échapper à la responsabilité spirituelle et sociale. Lorsque nous nous posons en tant que sujets devant toutes les petites choses de ce monde, nous découvrons ce que veut dire, réellement, l’inter-existence. Là est le début de la transformation spirituelle, du voyage intérieur et extérieur vers l’inter-existence.

Cela donne du courage de voir de plus en plus de débats internationaux sur la gravité des questions qu’affronte l’humanité, avec des dangers sociaux, politiques et écologiques mondiaux sans précédent. Il y a très peu d’endroits sur la planète où d’une façon ou d’une autre, il n’y ait pas d’état d’urgence. La nécessité du moment est de rassembler toutes les forces spirituelles de compassion et de non violence que nous pouvons, quelle qu’en soit l’origine ou la nature, de les nourrir, de les enrichir et de les diffuser comme des graines lumineuses d’espoir. Là se trouve notre responsabilité en tant qu’êtres humains conscients qui continuent à croire que la vie est précieuse et quelque chose de merveilleux à préserver et à révérer. Et avec cet enthousiasme retrouvé allons aussi vers l’homme et la femme ordinaires pour partager avec eux ce pouvoir qui peut encore déplacer des montagnes.

Sudha Reddy, à la conférence « Dialogue hindou - catholique et Droits de l’Homme »
Université Loyola Marymount, Los Angeles
22 avril 2006

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