rien

Publicado em 19 de março de 2005
Traduções disponíveis em: English . Español .

Des villageoises mettent en pratique leur compréhension des Principes de la Charte aux élections du conseil local d’auto-gouvernance (panchayat)

por Sudha REDDY
Temas fortes ligados: Intercultural, diálogo e plurilinguismo .
Temas largos ligados: Cross-cultural .

Diffuser les principes de la Charte des responsabilités humaines s’est révélé une tâche difficile et stimulante, particulièrement en Inde où le mot “responsabilité” revêt diverses connotations. Notre premier défi fut de retravailler notre langage, et même de la modifier après nos discussions avec des groupes de gens.
Ici, je vais parler ce processus tel qu’il a été mené avec un groupe particulier. Il s’agit des chantiers de formation à la direction démocratique que nous avons organisés pour des femmes du peuple des villes et des campagnes qui utilisent les principes de la Charte.

En maintenant les principes de la Charte au coeur de l’action, une série de chantiers de ce type ont été initiés depuis septembre pour des femmes illettrées et sachant lire, d’origine rurale et urbaine, appartenant à différentes castes et religions, parlant différentes langues. Pour l’heure, près de 300 femmes de la ville de Bangalore et de ses environs ont bénéficié de ces programmes de formation. Comme on pouvait s’y attendre, une pluralité de langues était parlée simultanément lors des chantiers.

Nous avons utilisé les principes de la Charte, tels qu’ils sont esquissés dans leur présentation générale, comme un noyau pour créer une Charte qui nous parle intimement quand entrons chez nous, et nous parle encore quand nous allons dans le monde.

Nous avons considéré la Charte que nous proposons comme un Sutra, un fil qui lie nos pensées et nos pratiques dans la vie de tous les jours, à la maison et dans le monde. Elle devait être envisagée comme une médaille à deux faces, ou une feuille recto verso : un côté pour la maison et un pour le monde ; ces deux côtés suivent un même ensemble de principes, mais s’expriment dans des lieux et à des niveaux différents, répondent à des préoccupations et des conditions différentes.

La diffusion de la Charte a été un processus permanent, que nous poursuivons en essayant d’apprendre à partir des problèmes rencontrés.

Ici, je présenterai le type de problèmes qui se sont posés lors de la première phase de nos programmes en faveur des 300 femmes mentionnées plus haut.

Outre certaines contraintes prévisibles qui ont quelque peu entravé nos efforts, nous avons dû surmonter des barrières linguistiques pour communiquer. Toute langue véhicule une culture spécifique, les significations connotatives l’emportent sur les significations dénotatives ; c’est pourquoi, nous avons éprouvé des difficultés à communiquer le sens exact des principes de la Charte à des gens de langues et de cultures variées. Par exemple, le sens du mot “responsabilité” n’est pas le même pour un “militant” que pour un simple citoyen ; pour ce dernier, il s’agit d’un terme ambigu situé quelque part entre “devoir” et “obligation” ou d’autres synonymes tel que “dharma”. Surtout lorsque ce concept est appliqué au rôle des femmes dans les sociétés asiatiques.

D’une certaine façon, notre habitude de penser en termes de “droit” nous fait oublier l’importance de la “responsabilité”.

Malgré la nature éclectique des participants, chaque groupe avec lequel nous avons travaillé nous est apparu “riche” en talents et en expérience, riche d’un passé jalonné de luttes, de liens humains authentiques, d’une histoire où il a éprouvé des conflits religieux, politiques, des déchirements identitaires de castes. Nos chantiers se sont déroulés dans ce contexte d’une expérience réelle vécue dans toute son ampleur.

C’est ici que nous avons appris comment des gens d’origines diverses pouvaient identifier la portée des principes de la Charte en les situant dans des contextes culturels et linguistiques familiers, sans pour autant s’écarter de leur esprit. Dès qu’elles ont entendu la première tentative d’exprimer ces principes dans leur langue, ces femmes se sont jetées passionnément sur cette traduction, l’ont améliorée et nous l’ont renvoyée, convaincues d’avoir apporté de la valeur ajoutée. C’est ainsi qu’elles se sont appropriées les principes de la Charte. Nous avons constaté qu’elles reliaient la traduction d’un principe à quelque chose de profond en elles – une expérience réelle – en choisissant les mots justes, la phrase, les rimes et les sonorités aptes à formuler ce qu’elles appelaient la version “correcte” de ce principe. En les exprimant dans une syntaxe et un contenu sémantique agréable à prononcer et à fort potentiel mnémonique, elles les faisaient leurs : elles donnaient ainsi à ces principes le sens et la sonorité qu’elles désiraient.

Au cours de ce processus, nous avons réalisé que nous entrions dans un mouvement inédit et passionnant où les femmes réarticulaient ou régénéraient ces principes à la lumière de leur propre expérience vécue.

Pour citer quelques exemples tirés de deux langues soeurs : l’Urdu et l’Hindi.

1. ’Principe’ a été rendu par Sutra, un mot Sanskrit qui peut être traduit approximativement par “formule magique, ou aphorisme facile à retenir”. En Urdu, le mot est asool.

2. “La dignité de chacun implique qu’il contribue à la liberté et la dignité des autres” est sobrement traduit par Izzat dekar izzat lena. (Respectez les autres et soyez respectés.)

3. “La consommation des ressources naturelles pour répondre aux besoins humains doit s’intégrer dans une démarche plus large d’éducation, de protection active et de gestion prudente de l’environnement” devient Hamari Jarootattom ke liye prakriti/ parisar ka nuksan nahin hona chahiye, qui rappelle la phrase de Ghandi : “Il y a assez pour satisfaire les besoins de tous mais pas l’avidité.”

4. “Dans les décisions concernant les priorités du court terme, il faut prendre la précaution d’évaluer les conséquences à long terme avec leurs risques et incertitudes” devient Aaj ki Jaroorat ko poora karne se pahale kaal ka bhi poora dhyan rakkenge (En répondant aux besoins d’aujourd’hui, nous devons aussi penser à notre avenir.)

Ces exemples sont les traductions des versions reformulées des principes en anglais et peuvent paraître simplistes. Mais il faut souligner que dans le contexte où vivent et fonctionnent les participants, ils acquièrent un sens.

La phase suivante de notre processus de dissémination a constitué un défi encore plus stimulant.

Nous avons encouragé les femmes à visualiser ces principes et à créer des affiches, donnant ainsi un visage ou une forme à leur compréhension verbale. Une certaine inhibition liée à un manque de confiance dans leurs talents artistiques a vite cédé la place à une impulsion irrésistible d’imagination créatrice. Les affiches ont été réalisées à partir de leur compréhension des principes, telle qu’elle se manifeste dans leurs traductions.

Nous avons également exploré la possibilité pour les femmes d’afficher ces principes dans leurs foyers. La présence de ces oeuvres créatives pourrait peut-être manifester un cadre inédit de croyances et de principes d’action – un nouvel ensemble de principes maternels – pour tous les membres de la famille.

Un résultat appréciable de ces chantiers : les affiches réalisées par les participantes constituent une base pour développer la Charte. De plus, on peut envisager de les utiliser pour confectionner des calendriers permettant de diffuser et de réimplanter les principes à des niveaux plus profonds.

Conséquence directe de ces chantiers : lentement mais sûrement, ces femmes ont compris la nécessité d’appliquer ces principes dans leur vie. Permettez-moi de citer un seul exemple du rôle que les femmes peuvent jouer dans la gouvernance… Récemment, nous avons eu des élections pour les panchayats (organes d’auto-gouvernance locale). Au village d’Ullalu, les femmes ont participé en masse au processus électoral, un fait pratiquement sans précédent. Cela prouve qu’un processus de prise de conscience peut être très efficace. Quatre candidates : deux musulmanes, une chrétienne dalit, et une femme d’une sous-caste hindoue (les sous-castes se situant entre les quatre castes majeures). Il faut d’abord noter que cette fois, les candidats n’ont pas été choisis sur la base de leur affiliation à un parti, une caste, une religion ou une langue, etc. Aussi, que les candidatures de deux femmes de la communauté musulmane, généralement considérée à forte domination masculine et où les femmes ne sont pas autorisées à pratiquer leur religion en publique, et encore moins à participer à la vie publique
Un des résultats hautement satisfaisants du processus électoral dans ce village a été le rôle joué par les électrices. Avant le scrutin, elles ont rencontré les candidates et ont précisé dans leur programme que les représentantes doivent se comporter de manière responsable si elles veulent conserver le soutien des électeurs. Leur programme a été un baromètre de leur compréhension des principes de la Charte et de leur désir de les mettre en oeuvre à la première occasion collective qui se présente.
Les éléments principaux de ce programme étaient les suivants :
• La représentante élue ne doit pas se laisser manipuler par des hommes qui chercheraient à l’utiliser comme une courroie de transmission ou une marionnette. Elle doit participer activement à la gouvernance locale et non pas se contenter d’une simple présence.
• Elle doit être capable de résister aux tentations qui vont souvent de pair avec l’autorité : les jeux de pouvoir politiciens, la corruption, le népotisme de caste ou familial, etc.
• Si l’on tente de l’entraver dans l’exercice de ses responsabilités, le pouvoir collectif des femmes la soutiendra.
• Elle ne doit pas s’opposer au contrôle des électeurs.
Bien sûr, les effets salutaires des principes de la Charte ne pourront être évalués qu’à long terme.
Enfin, un résultat inattendu de notre méthode de diffusion de la Charte : des personnes d’autres pays, notamment des ONG, ont exprimé le désir d’imiter notre exemple.
Top

puce Mapa do site puce RSS puce vieinterne puce