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Publié le 4 mai 2007
Traductions disponibles en : English (original) . فارسى . Español .

Une approche féminine des interactions individu/société

par Sudha REDDY
Thèmes forts liés : Femmes et responsabilité .
Thèmes généraux liés : Responsabilité individuelle . Responsabilité sociale . Femmes .

Une économie au service de la société. Quelles relations entre Individu et Société ?

V Conférence Internationale PEKEA
(Savoir Politique et Ethique sur les Activités Economiques)
Dakar, 1 - 3 décembre 2006.
Session sur l’approche de la femme aux interactions Individu-Société

Nous sommes tous d’accord pour dire que dans toutes les cultures et les sociétés, les femmes ont été, sous différentes formes, marginalisées et réduites au silence. Dans l’acceptation traditionnelle et conventionnelle de la notion de Dharma en Inde, les femmes sont considérées comme des individus partiels subordonnés à l’autorité du père, du mari, du fils et de la loi religieuse ; ainsi, elles ne sont jamais reconnues comme des individus. Bien qu’elle n’ait pas le statut d’individu, lorsqu’il est question de problèmes critiques de survie avec par exemple une crise économique ou des désastres environnementaux, la femme est soudain acceptée en tant qu’individu pour supporter le poids de toutes les difficultés existentielles.

Ces dernières années, d’innombrables discussions, séminaires et consultations ont été organisés sur la question du genre et de la pauvreté avec une attention particulière sur la "féminisation de la pauvreté". Le concept de cette "féminisation" est lié à une augmentation notable de femmes responsables des ménages et une augmentation de la participation des femmes dans le secteur informel, aussi bien dans les zones urbaines que rurales. Les femmes ont dû assumer de nouvelles responsabilités économiques, mais elles n’ont pas d’accès aux sources de productions pour améliorer ou augmenter leurs efforts à faire face à la situation. Dans le contexte rural, les femmes sont souvent associées, de façon conventionnelle et unilatérale, au secteur agricole et réduites sont ainsi au rôle de nourricières, alors que les qualités innées liées à la sagesse des femmes est totalement négligée. La plupart des soi-disantes mesures d’allègement de la pauvreté ne prennent pas en compte les besoins socio-politiques des femmes dans un monde globalisé.

A la lumière de tout cela, il est encourageant de voir avec quelle volonté les femmes marginalisées ont résisté à toute forme d’oppression et ont montré la voie vers le développement, leurs choix n’étant pas seulement guidés par leurs propres intérêts mais aussi par l’amélioration de la vie de leurs communautés. Dans leur quête de solidarité, il est important de noter que ce n’est pas le désespoir qui les arrête. Les femmes sont amenées à réaliser naturellement que, bien qu’elles soient de différentes origines ethniques, l’espoir est le fil conducteur qui les lient toutes ; l’espoir qui les pousse à défier la culture de violence - la violence qui les a extirpées de leur environnement d’origine et la violence directe sur leurs corps, leurs esprits et leurs biens. Ce lien commun ne provient pas du désir de vengeance, mais il se renforce avec la prise de conscience que le défi repose sur une attitude profonde et la pratique de la non-violence.

A une échelle micro, dans de nombreux pays en voie de développement, des groupes de soutien mutuel mis en place par des femmes se sont transformés en une plate-forme commune pour un changement individuel et social. Cela m’a montré qu’à travers des activités économiques, l’objectif n’était pas seulement d’améliorer leurs conditions de vie au niveau individuel, mais aussi d’affirmer leur dignité et leurs confiances en elles, et de prendre les devants en assumant les défis collectivement.

Il existe plusieurs exemples de mouvements collectifs de femmes qui ont défié l’ordre établi à travers des actions solidaires non-violentes à l’échelle mondiale. En Inde par exemple, nous avons le mouvement ’Chipko’ (1) , le Narmada Bachao Andolan (2), etc. Dans l’Etat du Nord-Est de l’Inde, Manipur, les femmes ont toujours été connues pour l’indépendance de leurs prises de parole et l’impact de celles-ci dans les prises de décisions dans les affaires sociales. Ainsi, quand l’Etat a été déclaré zone de conflit dans les années 80 et que le problème est devenu sérieux avec des atrocités, y compris des viols par les forces armées, les ’Meira Paibes’, membres d’un collectif informel de mères, sont descendues dans les rues pour lutter pour les droits civils et pour la paix. La protestation contre l’ Armed Forces Special Powers Act (loi sur les pouvoirs spéciaux des forces armées) a démarré dans les marchés des femmes de Manipur où leurs réseaux avaient été formés au départ. Ceci montre que des femmes commerçantes en tant qu’individus, sont capables de se transformer en une force collective et non-violente pour défier une autorité si puissante et violente.

Même à travers les pires formes de discrimination de genre et de violation de leurs droits, les femmes ont su assumer audacieusement leurs responsabilités, s’imposer et exiger, avec succès, leurs droits économiques, psychologiques et moraux, non seulement pour l’égalité, mais aussi pour l’équité. Chaque fois que leur conscience profonde est stimulée, les femmes s’éveillent pour une extraordinaire vibration transformatrice, l’expression naturelle de leur force positive latente. Malgré la complexité et la rudesse de la lutte, leurs coeurs sont encore pleins d’amour et de compassion bien que leurs corps aient été meurtris.

De manière générale, depuis le début, l’approche féminine ne s’est jamais limitée à l’individu seulement. Son intérêt englobe un tout, et il est toujours motivé par l’espoir et la transformation de la communauté ou la société vers des horizons meilleurs et plus équitables. L’approche féminine non-violente à des relations individu-collectivité contient une capacité transformatrice par contraste au paradigme patriarcal dominant. Les modèles comportementaux du patriarcat protègent les structures hiérarchiques, le pouvoir et l’autorité contraignante, le refus du dialogue et la violence directe ou indirecte qui s’ensuit. Malgré une longue histoire de frustration et d’indignation infligée par l’oppression patriarcale, les femmes comprennent le besoin d’un dialogue constructif et pacifique pour faciliter l’interaction entre l’individu et la société.

Une caractéristique majeure de la notion de responsabilité féminine tend vers une interaction harmonieuse entre l’individu et le collectif, et la société dans son ensemble. C’est un miracle que, malgré le fait d’avoir été historiquement oppressées et humiliées par les cultures patriarcales, les femmes continuent à démontrer des ressources psychologiques et spirituelles incroyables et inépuisables de compassion et de solidarité, ce qui est un exemple, un avantage et un espoir pour le devenir harmonieux et pacifique de tout un chacun.

Tout au long de ces lignes, il est important d’admettre que les lois et les régulations pour la protection et la promotion des droits des femmes ne sont pour le moment que quelques éléments de progrès, qui sont loin d’être suffisants. Les femmes sont spontanément responsables, et c’est cette responsabilité naturelle féminine qui les connecte de façon organique et empathique à la personne en tant qu’individu et à l’ensemble. Cette responsabilité intrinsèque des femmes pourrait être reliée à la Charte des responsabilités humaines - proposée par la FPH -, qui pourrait constituer un nouvel instrument légal complémentaire et adapté ; cette charte pose en effet en termes simples et clairs un ensemble de valeurs acceptables pour chaque être humain intéressé par la transformation positive, équitable et harmonieuse du monde dans lequel on vit.

Notes :
(1) Chipko : mot hindi qui signifie mouvement
(2) Narmada Bachao Andolan : Mouvement indien contre la construction d’un barrage dans la rivière du Narmada


Liste des participants à la session :
Président : Mme Aneha Aki, Académie d’Economie Politique, Japon
Intervenants : Mme Sakamoto Kumiko, Académie des Sciences sociales, Japon ; Mr Soto Juan, Académie de Sociologie, Chili ; Mme Sreenivasa Reddy Sudha, CSO, Inde ; Mme Wang Wei, Académie d’Economie politique, Chine.

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