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Publicado em 10 de outubro de 2005
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Notre responsabilité commune pour l’environnement planétaire : la dette écologique des Européens

por Yolanda ZIAKA
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Un nouveau concept à faire connaître

Tout le monde sait à peu près ce qu’est la dette des pays du tiers-monde : une dette financière. Il n’en va pas de même de la dette écologique, un concept nouveau, créé par des ONG de l’Amérique du Sud au début des années 1990.

Dans sa conception courante, employée par les activistes sud-américains, la dette écologique est une dette qui est due par les pays industrialisés du Nord aux pays du tiers-monde, autrefois colonisés, du fait des impacts environnementaux qu’a entraîné (et entraîne encore) l’exploitation de leurs ressources par les pays du Nord, ainsi que du fait des impacts environnementaux « importés » (déchets déposés sur leur sol etc.). L’association Acción Ecológica définit la dette écologique comme « la responsabilité des pays industrialisés pour la destruction progressive de la planète causée par leurs modes de production et de consommation » [1].

Dans une conception plus élargie, il peut s’agir d’une dette écologique provoquée par n’importe quel pays « A », à travers ses modes de production et de consommation, sur d’autres pays ou sur des territoires en dehors de l’autorité judiciaire nationale. Il peut encore s’agir de l’exploitation ou de l’usage d’écosystèmes, fait par un pays « A », aux dépens des droits équitables d’autres pays ou d’autres individus sur ces mêmes écosystèmes. Dans ce sens, la « cause » de la dette est le pays « A » (pays industrialisé d’habitude) et la victime (le créancier) sera la planète. Suivant cette conception, la dette écologique peut prendre la forme d’une dette de la population de la terre entière, envers les générations futures, du fait de l’exploitation abusive des ressources, qui conduit à l’apparition de menaces environnementales planétaires.

Des exemples de dette écologique créée par les pays industrialisés

Le problème du changement climatique entraîne une dette écologique de toutes les formes précitées. Ce problème en fait est principalement dû aux émissions de CO2, qui provoquent des dégâts environnementaux et qui surexploitent la capacité d’absorption du CO2 par l’atmosphère. Il en résulte une « dette de carbone historique », entre les pays, due aux émissions accumulées dans le passé et une « dette de carbone » due par nous tous aux générations futures. Des calculs qui ont été faits par le Centre sur le Développement Durable de l’Université de Gand, en Belgique, estiment la dette de carbone accumulée par la Belgique, entre 1900 et 2003 en 58 milliards ¤ [1]. Suivant la même méthodologie, on peut évaluer la dette d’autres pays industrialisés. Les chercheurs de ce Centre sont arrivé à la conclusion que certains pays n’ont pas accumulé une dette de carbone, mais, en revanche, disposent d’un « crédit de carbone », qu’ils ont évalué pour la période 1950-2000 : un crédit de 726 milliards ¤ pour l’Inde et un autre de 38 milliards pour le Congo.

Un exemple de dette écologique entre deux pays est celui accumulé à travers l’extraction de richesses naturelles (comme le pétrole, les minerais, les ressources forestières, marines et génétiques, etc.) en vue d’une exportation qui met en danger les possibilités de développement des peuples concernés. Ces échanges sont écologiquement inégaux étant donné que les biens sont exportés sans tenir compte des dégâts sociaux et environnementaux qu’engendre leur exploitation, mettant en danger la souveraineté alimentaire et culturelle des communautés locales et nationales [2]. Un exemple concret est donné par l’association « Acción Ecológica » en Equateur, où l’entreprise Texaco a extrait depuis 20 ans plus d’un milliard de barils de pétrole. Au cours de cette période, elle a provoqué la déforestation d’un million d’hectares de forêt tropicale humide, a provoqué des fuites de pétrole brut et des résidus pétroliers polluants qui se sont écoulés dans les rivières amazoniennes, a brûlé de très grandes quantités de gaz et a construit plus de 600 centres d’enfouissement de déchets toxiques.

Un court historique du concept

C’est l’Institut d’écologie politique du Chili qui, au début des années 1990, décrivant les cancers de la peau provoqués par la diminution de la couche d’ozone, a mis en cause les pays riches pour leur production de CFC, les gaz responsables du trou dans la couche d’ozone [2]. Le concept a été employé, en priorité, durant des campagnes de sensibilisation du grand public.

En 1992, à Rio de Janeiro, pendant le Sommet de la Terre, des groupes d’écologistes ont adopté un « document de référence » où ils lient la dette extérieure, due par le Sud au Nord, à la dette écologique dont les débiteurs sont les citoyens et les entreprises des pays riches, et les créanciers les habitants des pays pauvres. En 1999, à Johannesbourg en Afrique du Sud, est lancée la Campagne internationale pour la reconnaissance et la réclamation de la dette écologique. Un an plus tard, en 2000, des ONGs de pays du sud se sont réunies pour former l’Alliance des peuples du Sud créanciers de la dette écologique (SPEDCA - Southern People Ecological Debt Creditors Alliance). Les objectifs de la SPEDCA sont de trois types [1] : elle vise d’abord à obtenir la reconnaissance internationale de la dette écologique, dette historique et actuelle. Ensuite, elle demande que la dette extérieure soit reconnue comme illégale, « comme le concept de la dette écologique le rend évident ». Enfin, elle met en avant une série de demandes visant la réparation de la dette écologique historique et l’arrêt de l’accumulation d’une dette écologique dans l’avenir.

Au niveau institutionnel, le concept de la dette écologique apparaît désormais dans des textes officiels. Dans le premier Plan Fédéral pour le Développement Durable en Belgique, on y fait une claire référence, en déclarant que la Belgique compte étudier le concept de la dette écologique et les perspectives pratiques de son application dans les politiques de coopération internationale [1].

Jusqu’à aujourd’hui, seulement un petit nombre d’articles scientifiques a été publié à ce sujet. Il semble qu’il y ait une compréhension générale de ce qu’est la dette écologique mais non pas une définition acceptée par tous. En plus, il n’existe pas une méthodologie établie pour le calcul de la dette écologique, soit en termes physiques, soit en termes monétaires. Une autre preuve indiquant que le concept est encore en cours de développement est le fait que la discussion autour de ce à quoi il devrait servir est très limitée. On demande en priorité la « reconnaissance de l’existence de la dette écologique », la « compensation et la réparation des dégâts provoqués par la dette écologique du passé », la « prévention de l’accumulation d’une nouvelle dette écologique dans l’avenir », à travers la restructuration des modes de production et de consommation dans les pays industrialisés [1].

Promouvoir des politiques durables du point de vue environnemental et social

La réalité à laquelle se réfère le concept de la dette écologique ne peut pas être niée : il existe une littérature abondante et bien documentée sur les dommages environnementaux provoqués par les pays industriels sur d’autres pays ou sur les écosystèmes planétaires, tant dans le passé que dans le présent. En dehors de cela, ce concept possède des caractéristiques qui peuvent le transformer potentiellement en un outil puissant pour discuter des relations entre le Nord et le Sud sur une base nouvelle et pour questionner les politiques actuelles de développement durable.

Les résultats de la recherche de l’équipe de l’Université de Gand indiquent une série d’implications pour la politique environnementale [1]. L’aspect de la dette écologique qui se réfère aux dommages environnementaux peut conduire à la mise en place des politiques d’évaluation de la responsabilité historique. Son aspect qui se réfère à « l’usage des biens environnementaux aux dépens des droits égaux des autres » peut conduire à des politiques de prévention d’une future accumulation de dette. La question du climat et des politiques énergétiques sont des domaines où l’on peut aisément introduire une optique de la dette écologique historique. La dette écologique peut encore devenir un argument supplémentaire lors des discussions pour l’annulation de la dette extérieure financière.

Une politique de coopération au développement peut identifier des cas d’accumulation d’une dette écologique dans les pays partenaires puis promouvoir et mettre en place des projets qui pourraient arrêter cette accumulation. Des politiques de commerce international pourraient être réformées dans le but d’éviter des échanges inégaux en termes écologiques entre les pays.

Même dans les cas où il n’est pas possible pour le moment de calculer exactement la dette écologique, il serait important d’identifier les impacts des politiques des pays industrialisés à l’extérieur de leurs frontières et chercher à diminuer ces impacts. Cette optique devrait faire partie intégrante d’une politique de développement durable, même si on ne fait pas une référence explicite à la dette écologique. Le fait d’ignorer cette dimension et de nous concentrer exclusivement sur des questions de développement durable à l’intérieur de l’Europe, va créer l’illusion et « tout va bien », tandis que les effets externes de nos modes de production et de consommation sont transférés à d’autres pays et aux générations futures. Dans ce sens, la méthodologie développée autour de la dette écologique peut devenir un outil pour élargir le débat sur ce que signifie vraiment le développement durable.

Une évaluation de la dette écologique en termes monétaires

Des économistes et certains ONG considèrent la dette écologique en tant que concept économique et visent à son évaluation en termes monétaires. Des objections émanant du monde associatif soutiennent que cette approche équivaut à attribuer un prix à la nature et au droit de polluer. Les tenants de cette approche répondent que les calculs en termes monétaires exercent une forte influence sur les décideurs et sur l’opinion publique. C’est le langage qui est le mieux compris dans les pays du Nord. La quantification monétaire de la dette écologique peut alors servir lors des négociations sur la dette financière du tiers monde, comme argument pour son annulation. Elle peut encore servir afin de prendre en compte les « coûts environnementaux externes » dans l’évaluation de tout type de production (agricole, industrielle etc.), dans le but de promouvoir des politiques de développement durable pour prévenir une augmentation de la dette écologique dans l’avenir.

Malgré le fait que l’approche économique peut constituer un outil important, nous considérons que la dette écologique ne peut pas être réduite à sa dimension monétaire. Elle touche des questions de politique et sa prise en compte demande, prioritairement, un changement réel dans le mode de développement.

Notre responsabilité pour la dette écologique des pays Européens - le réseau ENRED

Le concept de la dette écologique est lié au problème de la dégradation environnementale sur l’ensemble de la planète et, à la fois, à la question de la pauvreté au niveau international. Les personnes et les ONG, soutenant ce concept, indiquent que le fossé entre riches et pauvres au niveau mondial a été construit sur les dettes écologiques des pays coloniaux, que les populations les plus pauvres se trouvent maintenant obligées à payer. Si l’on met en avant le concept de la dette écologique, c’est principalement pour introduire la notion de responsabilité dans les mentalités des citoyens des pays du nord, qui sont les plus grands gaspilleurs de ressources naturelles.

Un réseau Européen, visant la reconnaissance de la dette écologique, regroupant des ONGs de divers pays d’Europe, l’ENRED (European Network on Recognition of Ecological Debt), a été créé lors de la rencontre du Forum Social Européen, à Paris, en novembre 2003. C’est un réseau ouvert, indépendant de tout parti et de toute confession. Ce réseau vise à contribuer à la reconnaissance de la dette écologique que nous, pays européens, avons contractée envers les pays du Sud. Il vise encore à promouvoir des stratégies pour prévenir une future accumulation de la dette écologique [3].

Son action vise concrètement, d’une part, à contribuer à la sensibilisation de la population européenne, dont le mode de vie est le principal responsable de la dette écologique. D’autre part, le Réseau veut faire pression sur les décideurs politiques et autres acteurs clés (organismes internationaux, entreprises transnationales...) pour qu’ils mettent en oeuvre des politiques de réduction de cette dette. Pour ce faire, l’ENRED met en place et soutient des campagnes et actions au niveau européen ou mondial.

L’ENRED a organisé et a participé à de nombreuses réunions, visant à faire connaître le concept de la dette écologique par la société européenne :
- en avril 2004, en Italie, séminaire sur le thème « Annuler la dette pour une économie des droits » ;
- en mai 2004, en Belgique, séminaire sur le thème « Le concept de la dette écologique : sa signification et les possibilités d’application dans la politique internationale » ;
- en octobre 2004, 3e Forum social européen, à Londres, atelier sur le thème « Justice Environnementale, Dette Écologique et Développement Durable ».

Au niveau européen il existe plusieurs associations et groupements qui mènent des projets de réflexion et d’action autour de la dette écologique. Les « Amis de la Terre » de l’Ecosse ont mis en place, en septembre 2001, un projet éducatif sur la dette écologique, financé par le Département pour le Développement International. Ce projet vise à promouvoir la conscience publique autour du concept de la dette écologique en Ecosse, à travers des séminaires éducatifs adressés à des groupes de communautés locales. Il vise encore à explorer des stratégies pour la restitution de la dette écologique des pays européens. Les Amis de la Terre ont développé des matériels éducatifs, qui peuvent être employés par des éducateurs pour faire connaître le concept. Ce matériel est accessible à travers le site web de l’association [4].

Une prise de conscience par la société civile
Afin que le concept de la dette écologique puisse accomplir son rôle pour la mise en place de politiques durables des points de vue environnemental et social, on aura besoin de promouvoir la prise de conscience du grand public sur notre responsabilité commune pour l’environnement planétaire. Il nous faut une prise de conscience par les hommes et les femmes politiques et la société civile, dans son ensemble. Il faut des actions de pression à divers niveaux de prise de décisions, une recherche scientifique plus approfondie, le développement de réseaux de la société civile entre le Nord et le Sud.

[1] Paredis E. et al., 2004, Elaboration of the concept of ecological debt, VLIR-BVO project 2003, Final report, Centre for Sustainable Development (CDO) - Ghent University, Belgium (recherche disponible sur le site web du Centre pour le Développement Durable (de l’Université de Gand) : http://cdonet.rug.ac.be/onderzoek/e...)

[2] Bourinet S., 2004, « Faire reconnaître la dette écologique des pays du Nord envers les pays du Sud » (Texte rédigé pour l’Université d’été du CRID , Angers, Belgique, 10 juillet 2004 - texte disponible sur le site du CADTM-France Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-monde - france XQx cadtm.org)

[3] Pour en savoir plus, consulter le site de l’ENRED : http://www.enredeurope.org

[4] Pour en savoir plus, consulter le site des Amis de la Terre en Ecosse, lien « campagnes internationales » : http://www.foe-scotland.org.uk/

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