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Publicado em 14 de dezembro de 2006
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La coopération internationale : un instrument efficace pour lutter contre la pauvreté ?

Le défi du développement et de la lutte contre la pauvreté : la société civile présente ses propositions

Sidiki Daff jette ici un regard d’acteur du sud qui analyse la problématique de la pauvreté, de l’efficience ou non de la coopération internationale, du poids de la dette dans les pays du sud. Par ailleurs, il explique la campagne internationale organisée par l’Alliance Internationale des Habitants (AIH) pour la reconversion de la dette afin de construire un service de base pour les populations déshéritées.
Ce texte est tiré d’un discours que Sidiki Daff a présenté lors des états généraux de la solidarité et de la coopération internationale co-organisés par la société civile, le ministère italien de la coopération internationale et la Mairie de Rome, en novembre 2006.

Je vais vous fournir ici un ’regard du sud’ sur le thème du jour. Mes réflexions puiseront dans les expériences acquises dans différents réseaux ou alliances dans lesquels je suis impliqué : « comité de coordination de la Charte des responsabilités humaines » qui me vaut cette invitation ; Alliance Internationale des Habitants ; l’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique.

(Excusez- moi d’avance car nous ne sommes pas forcément sur la logique et il se pourrait que mes propos dérangent ou bousculent certaines certitudes)

I/ Eviter le piège des mots

Le thème de ce panel est « le défi du développement et la lutte contre la pauvreté ». Je pense qu’il faut absolument qu’on évite le piège des mots car de plus en plus au plan international il y a des glissements qui finissent par s’incruster dans le mode de pensée des uns et des autres et à créer des oeillères. La globalisation aidant, le contenu des termes est prédéfini de manière unilatérale et imposer à tout le monde. Les termes politiques sont aseptisés et vidés de leur contenu contestataire ou transformateur. Même la société civile mondiale n’a pas toujours su éviter ce piège avec le lynchage médiatique ambiant. Nous prendrons comme exemple ce « mot de lutte contre la pauvreté » qui est ressassé sous tous les toits surtout quand on parle de l’Afrique. De 1960 à l’heure où nous parlons beaucoup de concepts ont été utilisés en Afrique :

. Dans les années 60, le concept dominant est celui du développement et des modèles ont été bricolés par ci par là par les différents gouvernements africains. Ils se soldés par un échec patent.

. Dans les années 70, les plans d’ajustements structurels concoctés par les bailleurs de fonds (FMI, Banque Mondiale etc.) sont administrés au pays africains : coupe sur les budgets sociaux, désengagement de l’état, privatisation des secteurs économiques etc. C’est la période du « Moins d’état et Mieux d’état ». Bref il est interdit à l’état de jouer son rôle de régulateur social. Ces plans supposés sortir l’Afrique du sous-développement ont produit l’inverse de l’effet recherché : extension et généralisation de la pauvreté.

. Les années 80/90, voient émerger le concept de lutte contre la pauvreté qui est supposé prendre en charge la dimension sociale de l’ajustement structurel. L’essentiel des gouvernements africains ont adopté les fameux « Document de stratégie de réduction de la pauvreté » (DSRP) qui sont aussi sensés atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). C’est le bréviaire des gouvernements africains et des bailleurs de fonds. C’est en réalité une nouvelle conditionnalité de l’aide dans la mesure où les pays qui veulent bénéficier de l’allégement de leurs dettes sont tenus d’élaborer des documents de politique indiquant les réformes à mener dans les domaines économiques et institutionnels, ainsi que les axes stratégiques de lutte contre la pauvreté. Les conditionnalités sont les mêmes car ces DSRP s’inscrivent dans l’économie libérale : libéralisation, réduction du rôle de l’état, ouverture du marché à la concurrence mondiale etc. Donc en Afrique on lutte la pauvreté en privatisant les services de base essentiels pour la vie et ils sont soumis aux lois du marché.

Voilà la réalité de la politique de lutte contre la pauvreté dont les résultats tangibles sont :

. Un secteur agricole déstructuré et obligé de s’insérer dans le marché mondial face à des concurrents européens ou américains dont les productions agricoles sont fortement subventionnées.

. Un exode rural massif vers les villes accentuant la pauvreté urbaine

. Un chômage massif poussant des millions de jeunes à l’émigration dont les rêves se brisent devant les murs de Ceuta/ Melia ou au fond de l’Océan Atlantique ou sur les côtes espagnols.

. La résurgence de grandes pandémies

Comme pour soulager leur conscience, les bailleurs de fonds et certains ONG (Nord et Sud), développent de microprojets, baptisés pompeusement « projets de lutte contre la pauvreté ». Certes, ils permettent de soulager temporairement les populations tenaillées par la faim, la soif et la maladie, mais structurellement, ils ne changent rien car ils s’attaquent à la surface et non à la racine : les politiques macroéconomiques d’essence libérales adoptés par les états africains.

II/ La coopération internationale est-elle un instrument efficace lutte contre la pauvreté ?

Elle existe mais elle s’inscrit dans l’urgence, l’épisodique. Permet-elle de faire reculer la pauvreté ? Il y a un exercice intournable auquel, que les acteurs italiens intervenant dans le secteur de la coopération devraient faire : celui de l’évaluation. En effet, il est urgent que vous fassiez un pointage financier c’est-à-dire voir la somme d’argent versée dans les pays pauvres en rapport avec les objectifs de lutte contre la pauvreté. En faisant ce décompte, je suis certain que vous vous rendrez vite compte qu’on est loin des objectifs assignés à cette coopération. Mon expérience en tant que conseiller municipal pendant 06 ans, m’a convaincu que l’argent de la coopération décentralisée est utilisé de manière opaque. N’étant pas inscrit dans le budget municipal, il est hors du contrôle du conseil municipal, il est détourné de ses objectifs et sert souvent à entretenir la clientèle politique du maire. Bref, de manière indirecte, la coopération internationale peut participer de la mal gouvernance.

III/ La dette et la lutte contre la pauvreté

On lutte contre la pauvreté en Afrique en demandant aux états de payer régulièrement le service de la dette. Entre janvier et mars 2006 (03 mois), le gouvernement sénégalais a payé en service de la dette 19 milliards de francs (CFA) soit le ¼ du budget annuel de la santé consacré au 10 millions de Sénégalais. Dans ces conditions la lutte contre la pauvreté telle qu’elle est perçue par les bailleurs de fonds est un leurre car on ne peut pas lutter contre la pauvreté en privatisant les services de base, en demandant à des pays exsangues de payer un service de la dette qui compromet les investissements sociaux.

Dès lors la question de la dette doit être traitée autrement car il s’agit de demander aux états et aux bailleurs de fonds de combler le gap social que leurs politiques drastiques ont créé. Nous devons exiger d’eux qu’ils paient la dette sociale qu’ils ont contractée en refusant ou en interdisant les investissements sociaux.

IV/ La coopération internationale et le paiement de la dette sociale

La coopération internationale doit privilégier les programmes structurants. Ce que j’appelle les programmes structurants, ce sont des programmes qui s’inscrivent dans la durée en adéquation avec les prioritaires nationales.

La question de la dette doit être posée sous cet angle. Nous souhaiterions, nous de l’Alliance Internationale des Habitants dont je suis coordinateur pour l’Afrique, que la coopération s’oriente vers le combat pour la reconversion de la dette de certains pays afin de construire des services de base (eau, santé, logement etc.) pour les populations les plus déshéritées. Depuis 01 an, l’AIH appuie ses partenaires Kényans pour que le gouvernement italien reconvertisse la dette de ce pays dans l’édification de logements décents pour les habitants de Korogocho menacés d’expulsion par le gouvernement kényan. La campagne internationale « expulsion Zéro » dirigée par l’AIH a permis de faire reculer le gouvernement. Pour consolider cette victoire, il s’agit de trouver des moyens pour que ces pauvres aient accès à un logement décent. Les négociations en cours avec le gouvernement italien (très difficiles) s’inscrivent dans cette optique.

Une telle campagne, va continuer car au Forum Social Mondial 2007 (Nairobi-Kenya) nous voudrions l’élargir pour impliquer les gouvernements locaux du Forum des Autorités Locales-FAL (commission de « Cité et Gouvernements Locaux Unis »- CGLU), davantage d’associations d’habitants africains. Cela se fera sous la forme d’un séminaire international et Madame le Ministre Patrizia Santinelli, nous vous convions à ce séminaire car vous y avez pleinement votre place. Quand nous parlons de reconversion de la dette, certes la question se traite d’état à état, mais la gestion de cette dette reconvertie doit être cogérée par différents acteurs dont l’état, les gouvernements locaux et les représentants authentiques des associations d’habitants. Cet exercice est incontournable si on veut promouvoir une culture de transparence dans la gestion des deniers publics. L’accès à l’information est un enjeu majeur ainsi que l’implication des sociétés civiles du sud et du nord. Mais il faudrait éviter un piège très courant car certaines ONG ont tendance à s’autoproclamer représentants des habitants et à capter des fonds en leur nom. Leur gestion n’est pas très éloignée de celle des états kleptomanes et corrompus.

Pour éviter ce piège, la capacitation des leaders des associations d’habitants est essentielle. En ce sens l’AIH a mis en place l’Université Populaire Urbaine qui a des fonctions multiples et complémentaires entres-elles:

- répondre au besoin de recherche et réflexion par rapport à une stratégie globale de justice pour la construction sociale de l’habitat et de la ville

- aider, faciliter et rendre plus fort l’organisation des différents membres de l’AIH.

Rome, le 22 Novembre 2006

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