Traduction de la Charte des responsabilités humaines du français au wolof (Sénégal) ou les difficultés à traduire le concept de responsabilité en wolof par Sidiki Abdoul DAFF | ||
Le travail de traduction de la charte a été confié à un groupe de linguistes sénégalais qui sont des professionnels et/ou des militants des langues nationales. Ce groupe est composé au plan social de religieux (des imams), des alphabétiseurs en langue nationale et de militants luttant pour l’usage des langues nationales dans le système éducatif. Les participants maîtrisent les deux formes de transcription du wolof c’est à dire la transcription avec des caractères latins ( reconnue par l’état sénégalais) et en caractère arabe. cette dernière est la forme la plus ancienne car elle est liée à l’islam et beaucoup de paysans maîtrisent cette forme. Ce choix de deux approches différente est voulu car il permet de combiner des individus qui ont une base culturelle commune (la culture wolof) mais qui ont connu des influences différentes (française et arabe). Le coordonnateur du travail (moi même) a partagé avec eux la démarche dans la traduction qui doit privilégier le sens en s’appuyant sur l’imaginaire culturel sénégalais. Dès le début ils se sont heurtés à la traduction du concept "responsabilité" en wolof qui n’existe pas comme concept isolé c’est à dire un terme se suffisant à lui même. Dès lors tout un débat long (plus de 10 jours) s’est engagé pour trouver le meilleur moyen de rendre "responsabilité". le principe et la pratique responsable est très ancrée dans les différentes cultures sénégalaises mais il est rendu par l’articulation de plusieurs concepts qui se complète. plus concepts ont été sondés mais aucun d’eux pris isolément ne rend le concept de responsabilité. Par exemple :
D’autres termes ont été étudié mais les deux cités plus haut se rapprochent plus du concept de "responsabilité" et plus particulièrement le terme "warugal". Warugal rend à la fois "devoir" et " responsabilité". Dès lors, ils sont tombés d’accord qu’il faut forger un concept nouveau pour rendre "responsabilité". Cette démarche n’est pas nouvelle car les linguistes forgent souvent des termes pour rendre des concepts que nos langues ne rendent pas à travers un seul concept. Mais pour ne pas tomber dans une contraction asséchante, Il faut souvent combiner plusieurs concepts pour arriver à un nouveau qui rendent le concept tout en conservant sa richesse. Ainsi, ils ont abouti au concept wareef qui est notion à la fois d’obligation, de devoir et de responsabilité. Mais une chose est de créer un concept, autre chose est de le faire accepter. En effet le concept de responsabilité n’est le seul qu’ils ont forgé. Ils en ont forgé d’autres (environnement, essence, etc.) ce qui les a obligé à créer un lexique explicitant les différents concepts nouveaux. Une telle approche permet à d’autres linguistes d’intervenir et de discuter avec eux sur le contenu. Le second défi a été de renvoyer la première mouture de la traduction dans certains milieux pour vérifier la pertinence des termes utilisés. C’est ainsi que la traduction a été envoyé à des femmes et à des paysans (analphabètes en français donc peu influencée par la culture française) alphabétisés en wolof. Notre surprise a été énorme car le système de traduction (traduire en utilisant l’imaginaire wolof c’est dire avec des paraboles, des proverbes etc.,) ont facilité la compréhension du texte et du concept de responsabilité dans son contenu.
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