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Published on 14 December 2003
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La "multi-identité culturelle": une nouvelle dimension des droits de l’homme

Discours prononcé par Qin Hui lors de la session de clôture de l’Assemblée de Lille, 10 décembre 2001

"Comme nous n’acceptons pas l’idée de hiérarchie culturelle, nous ne pouvons pas admettre qu’une culture « pure » soit supérieure à des cultures « métissées ». C’est aussi pourquoi tout « mouvement de purification » imposé au sein d’une aire culturelle ne peut pas être légitime. En fin de compte, la reconnaissance de la multi-identité est une nouvelle dimension des Droits de l’homme : avoir le droit de choisir sa culture, et respecter le choix culturel de chaque individu"

L’Assemblée Mondiale de Citoyens est le symbole d’un nouveau processus mondial. Dans ce sens, elle est très significative. Depuis les confrontations entre l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et le monde des Organisations Non Gouvernementales (ONG), à Seattle, à Milan, à Prague et ainsi de suite, la formule de "l’opposition entre deux mondialisations" est de plus en plus courante.

L’Assemblée de Lille a, peut-être pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, dépassé cette vision antagoniste. Le processus de l’OMC est une réalité, qu’on accepte ou non. Je ne pense pas que «la mondialisation des ONG » puisse mettre fin ou se substituer à «la mondialisation de l’OMC ». Cependant, cette dernière est une mondialisation purement économique, reposant sur la concurrence des marché. Malgré les différences historiques et culturelles, aucun pays ne peut en être absent. La Chine aussi, se lançant dans une réforme économique faisant une large place au marché, se joint à ce processus, en entrant récemment dans l’OMC. Mais si la concurrence est nécessaire dans une économie de marché, une mondialisation dont elle serait le seul moteur ne sera jamais humaine. Il faudrait qu’une autre mondialisation, celle du bien commun, de la responsabilité et de la solidarité, équilibre la première. Cette mondialisation là ne doit pas mener un combat destructeur, mais plutôt proposer une dimension complémentaire, rectificative, pour éliminer les effets néfastes d’une mondialisation unidimensionnelle et fonder sur la notion d’humanité une mondialisation du bien commun. Je crois que cette Assemblée est un repère, une balise, qui propose une nouvelle direction, passant de "l’opposition des deux mondialisations" à une mondialisation plurielle et plus humaine. Si la mondialisation du bien commun n’est pas l’ennemie de la mondialisation économique, de même, la «Charte des responsabilités humaines » ne doit pas se substituer à la «Déclaration universelle des droits de l’homme » (1948), mais la compléter.

La «Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », née en France il y a deux cents ans, fait maintenant partie du patrimoine de l’humanité toute entière. Elle est d’autant plus indispensable là où les droits de l’homme sont souvent violés. Ceci étant, aux droits de l’homme correspond toujours la notion de responsabilité humaine. Dans notre monde caractérisé par «une mondialisation de la concurrence », dans ce XXIème siècle devant faire face à des catastrophes environnementales et des problèmes sociaux, l’insistance sur la notion de responsabilité de l’homme est extrêmement importante. Si bien que nous, les participants de l’Assemblée, venus des différentes régions du monde, appartenant aux différents peuples et communautés, nous référant à différentes valeurs, pratiquant des métiers différents, nous pouvons nous féliciter d’avoir fait naître cette «Charte de responsabilités humaines », ici, en France, berceau des droits de l’homme. C’est le fruit le plus important de notre Assemblée. Je tiens à remercier tous ceux qui y ont travaillé dès le début. Bien sûr, la Charte ne peut pas être immédiatement parfaite, et elle nécessite une réflexion approfondie. Certaines suggestions soulevées au cours de l’Assemblée n’ont pas été, semble-t-il, prises en compte dans cette nouvelle version.

Je voudrais particulièrement souligner combien il est important que soit reconnue la multi-identité culturelle. Le respect de la multi-identité est au fond le respect du droit à choisir son identité culturelle. Pour cela, il faut que notre pluriculturalisme dépasse le relativisme culturel. Le droit à la multi-identité culturelle permet à l’homme non seulement de s’identifier à une culture maternelle, mais aussi de s’identifier aux autres cultures qu’il a acquises au cours de sa vie. Les différentes cultures doivent non seulement coexister, mais aussi apprendre les unes des autres et s’enrichir mutuellement dans leurs croisements, au fil du temps. Comme tout le monde le sait, les colonisateurs ont imposé aux indigènes la renonciation à leur propre religion, pour se convertir au Christianisme. Peut-on, au nom de la diversité et de l’identité culturelle, forcer ces mêmes personnes à retourner à leur anciennes croyances ? D’éminentes personnalités, telles que Martin Luther King et l’archevêque Desmon Tutu d’Afrique du Sud, incarnent parfaitement à la fois la culture africaine et la culture chrétienne. J’ai eu l’occasion de faire la connaissance d’un participant philippin ces jours-ci. Il est catholique, mais en même temps inspiré par la pensée Confucéenne. Je le remercie en tant que Chinois de s’intéresser à notre culture, mais je ne pense pas pour autant qu’il doive renoncer à sa religion. Je me suis également fait quelques nouveaux amis français d’origine chinoise. Ils aiment la culture française, pourtant cela n’empêche pas qu’ils s’identifient à la culture chinoise. Si le pluralisme culturel signifiait que "chacun ne peut que s’identifier à sa culture maternelle" on ferait des « transculturels » qui vivent avec plusieurs cultures, des « marginaux », discriminés de toutes parts.

Par conséquent, je suggère que la Charte souligne l’importance du respect à la diversité culturelle et de la tolérance entre elles, mais aussi l’importance de la multiculturalité, née de la rencontre des cultures, depuis l’antiquité. Comme nous n’acceptons pas l’idée de hiérarchie culturelle, nous ne pouvons pas admettre qu’une culture « pure » soit supérieure à des cultures « métissées ». C’est aussi pourquoi tout « mouvement de purification » imposé au sein d’une aire culturelle ne peut pas être légitime. En fin de compte, la reconnaissance de la multi-identité est une nouvelle dimension des Droits de l’homme : avoir le droit de choisir sa culture, et respecter le choix culturel de chaque individu. Un véritable pluriculturalisme s’oppose à tout type de contrainte culturelle : aussi bien à la contrainte de l’assimilation culturelle qu’à celle de « l’anti-assimilation ».

La Charte a fait un pas en avant considérable en mettant l’accent sur le respect de la diversité. Il nous reste toute de même à l’approfondir en développant la dimension du droit à la multi-identité. Je propose qu’après cette Assemblée, son contenu et sa forme soient discutés encore par Internet. Il faudrait que dans la phase finale les meilleurs penseurs issus de chaque culture participent à sa rédaction afin de mettre mieux encore en valeur tous les travaux faits par le groupe de rédaction et par les participants de l’Assemblée Mondiale de Citoyens.

Auteur : Hui Qin

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