Publicado em 10 de dezembro de 2005
Articulation responsabilité - citoyenneté : point de vue d’un Français por Betty NGUYEN | ||
Nous présentons ici le compte rendu de l’entretien avec un Français, Hervé Chaygneaud-Dupuy, marié et père de famille. Consultant en innovation sociétale, il est aussi l’un des fondateurs et animateurs des « ateliers de la citoyenneté » qui se tiennent dans plusieurs villes de France, dont Lyon. Les ateliers de la citoyenneté regroupent des citoyens qui ne revendiquent pas uniquement des droits et devoirs politiques mais se mettent également en capacité de prendre de l’initiative dans la Cité. Le guide d’entretien s’est appuyé sur le questionnaire rédigé par l’équipe d’animation de la Charte en Europe mais s’est aussi délibérément concentré sur l’articulation responsabilité - citoyenneté. Pour l’interviewé, la responsabilité va de pair avec la liberté. Mais la notion de « responsabilité humaine » est quasiment redondante car la responsabilité est la caractéristique de l’humain puisqu’il est conscient : conscient de sa place dans la chaîne des êtres, de l’espace et du temps. La responsabilité relève de la morale, qu’elle soit laïque ou religieuse et implique des valeurs-guides. Aujourd’hui, la responsabilité n’apparaît pas comme une préoccupation, elle est négligée au profit des droits : on cherche à se protéger, à obtenir des droits mais on ne cherche pas sa propre responsabilité, on ne cherche pas à se mettre en jeu, en action, à être concerné et impliqué. Pour l’interviewé, cela découle en grande partie du fait que notre société est amorale et se judiciarise. Comment exerce-t-il sa propre responsabilité ? C’est un questionnement perpétuel qui n’est pas lié à l’action immédiate et où ses valeurs sont des « outils de navigation » : il se dirige là où il veut aller, entre le bien et le mal. Pour Hervé, même si la responsabilité ne s’exerce pas dans un champ hors contrainte, on ne peut pas abdiquer sa responsabilité. Dans le domaine de la démocratie représentative, le droit de vote n’est pas suffisant, dans le domaine de la démocratie participative qui n’est qu’un pis-aller, on ne peut attendre que les institutions s’emparent de la chose. Il faut donc « faire avec », entreprendre, prendre l’initiative, à son échelle. Cela a été la motivation première de la création des Ateliers de la Citoyenneté. Si on demande à Hervé s’il se sent responsable du racisme ambiant, il affirme qu’il ne peut être que responsable de SES actes et ne peut assumer la responsabilité de situations collectives. Etant l’autre face de la liberté, la responsabilité ne peut être exercée qu’à l’échelle de l’individu, de la personne. Il ne supporte d’ailleurs pas les phénomènes de repentance pris par un collectif en son nom. Il craint même la responsabilité collective puisque cela peut impliquer des punitions collectives. Cela dit, il est prêt à assumer collectivement un travail de responsabilisation et de sensibilisation au problème du racisme. Si l’on aborde la question de l’articulation entre solidarité et responsabilité en prenant l’exemple du système de la sécurité sociale, Hervé pense que la solidarité est déresponsabilisante dans la mesure où on ne sait plus au nom de quoi on est protégé socialement. Une responsabilisation des bénéficiaires de la solidarité consisterait d’une part à bien définir la communauté des bénéficiaires (celle des citoyens ?) et d’autre part à s’interroger sur le fait de savoir si on peut bénéficier de droits construits par l’effort collectif si on n’a pas participé à la construction de ce système de droits. Hervé reconnaît qu’il peut y avoir conflit entre principes de responsabilités : il existe en effet le principe universel du respect de la vie qui peut entrer en conflit avec les propos tenus ci-dessus. Sur le contenu de la Charte, les principes apparaissent comme pertinents mais l’interviewé s’interroge sur leur utilité ; ils sont trop généreux, trop évidents, peu neufs. Il est en particulier sensible à l’articulation responsabilité-liberté présente dans le 2e principe, comme nous l’avons vu précédemment. Sur le 4e principe, il remet en cause la formulation et le contenu : « on doit répondre à ses aspirations immatérielles », le « on » est trop impersonnel, la « collectivité » serait un meilleur terme. Et la collectivité ne doit pas « répondre » car l’être humain doit pouvoir choisir ; la collectivité doit ne pas empêcher les aspirations immatérielles. La collectivité doit en revanche répondre à ses besoins matériels dans la mesure où l’individu n’est pas toujours en capacité de le faire lui-même. Sur le 5e principe, il est évident mais il faut aller plus loin : l’exercice du pouvoir ne doit pas seulement être contrôlé, il doit être co-élaboré : c’est une question de souveraineté. Sur le 9e principe, « ne prennent tous leur sens » n’est pas assez fort, on reste dans l’énoncé de voeux. Sur le dernier principe, il ne suffit pas « d’évaluer les conséquences », il faut prendre ces évaluations en compte. Pour Hervé, la Charte des responsabilités humaines devrait être un outil d’interpellation, un outil d’aide au discernement : « en quoi je peux être responsable, en tant qu"être humain, à mon niveau ? ». Telle qu’elle est maintenant rédigée, c’est plutôt une charte des responsabilités des sociétés humaines. Deux problèmes principaux se posent donc avec la charte actuelle : elle ne dit pas comment ces responsabilités sont opposables ; on ignore également comment appliquer ces principes au niveau individuel. Un exemple, sur le 8e principe lié à la recherche scientifique, si je ne suis pas chercheur, soit je ne me sens pas concerné soit si je me sens concerné, je n’ai pas prise sur ce principe. Dans le texte, la hiérarchisation des échelles de pensée et d’action n’est pas apparente, même s’il est évidemment difficile de la préconstruire avant de l’éprouver au contact des lecteurs. |